L'Enfant Jésus, mangeur de fruits
Maître aux madones joufflues, Vierge à l’Enfant avec saint Joseph et un ange, La Sainte Famille et un ange, Vers 1530, huile sur bois, 73 x 63 cm, Saint-Omer, Musée de l'Hôtel Sandelin
Durant son enfance, le Christ est fréquemment représenté en train de manger ou de s’apprêter à manger des fruits. Par cet acte, les artiste évoquent non seulement sa dimension physique mais préfigurent aussi son martyre grâce à la représentation codifiée des aliments.
Dans la Sainte Famille et un ange du musée de l’hôtel Sandelin à Saint-Omer, le jeune Christ dépeint par le Maître aux madones joufflues (actif vers 1530/1550) mange goulument les cerises que lui tend un ange. D’une main, l’enfant porte des fruits à la bouche, alors que de l’autre, il en saisit une poignée dans une assiette en argent. Malgré le soin apporté aux détails, l’artiste ne cherche pas à figurer une scène naturaliste : l’enfant paraît, en effet, bien jeune pour manger seul des cerises au risque de s’étrangler avec les noyaux. Dans l’iconographie religieuse, le petit fruit rouge a une fonction symbolique : il évoque, par sa couleur, le sang versé par le Christ lors de la Passion.
Le rapprochement du Christ et des cerises est un motif iconographique répandu dans la peinture. Dans les deux versions de la Vierge à l’enfant de Jan Gossaert (vers 1478-1532) conservées à Lille et à Douai, l’allusion au martyr christique symbolisé par les cerises est renforcée par la présence du voile mariale dans lequel joue l’enfant Jésus. Le tissu blanc enveloppant son corps est une évocation directe au linceul qui le couvrira au moment de la mise au tombeau.
Joos van Cleve (vers 1485-1540/1541) choisit, pour sa part, de situer des cerises sur un parapet au premier plan de la composition. En les représentant en frise à côté d’une pomme, il évoque tout à la fois le martyre du Christ et la portée salvatrice de cet acte pour les Chrétiens : le rachat de la faute originelle provoquée par Adam et Ève au moment où ils croquèrent le fruit défendu au jardin d’Eden.
Dans d’autres tableaux, les cerises se font plus discrètes comme dans la Vierge au livre de Pontormo (1494-1557) où un jeune garçon les recueille dans l’obscurité de l’arrière-plan de la composition. Elles sont parfois remplacées par des prunes qui ont la même fonction symbolique en raison de la couleur de leur jus. Perino del Vaga (1501-1547) opte pour ces fruits déposés sur un muret devant sa Sainte famille du musée Condé à Chantilly.
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Références bibliographiques
Yves Bourrel, Chefs-d’œuvre du musée de l’hôtel Sandelin, Édition du musée, 2004 (l’œuvre est commentée pp. 42-43)
Alexandre Holin pour l'ACMHDF
Aller plus loin :
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