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Abstraction en France. De Delaunay à Buren

ARP Hans & DELAUNAY-TERK Sonia (née), Sans titre (1950) - Gravelines, Musée du dessin et de l'estampe originale
 
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© ADAGP, 2016
ARP Hans & DELAUNAY-TERK Sonia (née), Sans titre (1950) - Gravelines, Musée du dessin et de l'estampe originale

La naissance de l’abstraction est l’un des bouleversements majeurs de l’histoire de l’art du 20e siècle. S’émancipant du réel perçu et de l’imitation des apparences, la peinture abstraite répond à des enjeux très différents. Géométrique, lyrique, radicale, conceptuelle : les qualificatifs sont nombreux pour traduire ce qui est avant tout un mode d’expression personnel, celui d’un peintre à la recherche d’un vocabulaire plastique autonome.

ARP Hans & DELAUNAY-TERK Sonia, Sans titre (1950) - Gravelines, Musée du dessin et de l'estampe originale

Dynamisme

L’histoire de l’art s’accorde généralement à reconnaître trois pionniers de l’abstraction : Vassily Kandinsky (1866-1944), Kasimir Malevitch (1878-1935) et Piet Mondrian (1872-1944), dont on peut résumer les recherches par ce questionnement : par quoi remplacer l’objet dès lors que la peinture s’éloigne du réel visible ? De leurs recherches découlent les deux principales tendances de la peinture non figurative qui se développent et s’entrecroisent entre les deux guerres. La première, lyrique et expressive, se fonde sur l’émotion, l’influence de la musique et la fonction expressive de la couleur. La seconde, principalement géométrique et rationaliste, trouve un terreau théorique à Paris autour des groupes Cercle et Carré et Abstraction-Création.

En France, Robert Delaunay (1885-1941) et son épouse d’origine russe Sonia (1885-1979) figurent parmi les premiers artistes à pratiquer une peinture où, pour reprendre l’expression de l’historien d’art Pierre Francastel (1900-1970), « la destruction de l’objet (…) semble devoir être acceptée comme définitive ». Leurs compositions reposent sur un vocabulaire géométrique très simple où des disques et des demi-cercles concentriques entrent en tension afin de briser le statisme du tableau. L’impression de dynamisme de leurs œuvres repose sur des contrastes colorés qui entrainent l’œil dans un mouvement tourbillonnant dont le but avoué est de proposer un équivalent purement plastique à la vitesse du monde moderne.

Cet emploi de la géométrie à des fins dynamiques se retrouve dans les estampes du Carnet de Grasse, recueil de dix lithographies d’après des dessins « à plusieurs mains » composés en 1942-43 par Jean Arp (1886-1966), Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), Alberto Magnelli (1888-1971) et Sonia Delaunay. La planche où travaillèrent ensemble Sonia Delaunay et de Jean Arp réunit deux conceptions relativement différentes de l’abstraction : une première (celle de Delaunay) fondée sur une occupation très structurée de l’espace par la couleur et une seconde (représentée par Arp), laissant place au hasard et au libre déploiement de la ligne qui s’inscrit de façon quasi organique à la surface du papier.

Cap au Nord

La création de la revue Vouloir par Felix Del Marle (1889-1952) en 1924 dans le Nord de la France constitue une étape importante dans la diffusion d’une esthétique abstraite géométrique influencée par les exemples de Mondrian et du groupe De Stijl. Marqué par le néo-plasticisme, Del Marle promeut l’emploi d’un vocabulaire plastique dépouillé qui se caractérise par l’emploi de formes pures et de couleurs primaires. Il encourage à la même époque la collaboration entre les peintres, les architectes et les sculpteurs afin de créer une nouvelle architecture propice aux besoins de l’homme moderne. Après la seconde guerre mondiale, il développe dans l’espace certaines de ses recherches picturales amorcées dans les années 20, tout en répondant à d’importants projets architecturaux notamment pour les usines Renault à Flins.

Né comme Del Marle dans le Nord de la France, Auguste Herbin (1882-1960) est une autre grande figure de l’abstraction géométrique. En 1931, il est l’un des membres fondateurs d’Abstraction-Création, association dont le but est de valoriser l’art abstrait par le biais d’expositions et par la parution d’une revue. Ses recherches picturales débouchent au début des années 1940 sur l’invention d’un « Alphabet plastique », langage personnel par lequel il codifie des correspondances entre couleurs, formes, lettres et notes de musique. Ce vocabulaire permet de mettre des mots en image. Ainsi Herbin associe-t-il à chaque lettre de l’alphabet à des couleurs et à des formes. Les 5 lettres du mot « Matin » (dont le Musée départemental Matisse possède le tableau et la gouache préparatoire) renvoient chacune à un élément crypté dans le tableau : le « M » est associé au triangle et à la couleur jaune, le « A » au rose, le « T » au bleu foncé et au violet, etc.

Lyrisme

Jugée rigide et contraignante, l’abstraction géométrique est rejetée par d’autres artistes qui préfèrent cultiver une veine plus lyrique. Amorcée durant la Seconde Guerre mondiale par de jeunes peintres comme Alfred Manessier (1911-1993), cette tendance s’exacerbe en une nouvelle forme d’expressionnisme qui vise à exprimer la subjectivité profonde (parfois tourmentée) de l’artiste. Le geste qui se veut nerveux et rapide rappelle l’automatisme surréaliste tout en se nourrissant de référence à la calligraphie orientale. Le traumatisme de la guerre pousse un grand nombre d’artistes à trouver de nouvelles solutions formelles qui passent en partie par la volonté de « repartir à zéro ». Libres et spontanés, les « Signe personnage » d’Olivier Debré (1920-1999) peuvent s’interpréter comme une forme de primitivisme qui laisse place à la traduction d’une émotion directe et spontanée.

Dans la France d’Après-guerre, Georges Mathieu (1921-2012) devient le champion de cette veine où le geste s’exacerbe. En 1947, il organise l’exposition Abstraction Lyrique, année-même où l’artiste américain Jackson Pollock (1912-1956) met au point le procédé du "dripping" en laissant couler directement, sans l’intermédiaire du pinceau, la couleur de sa boîte sur la toile posée au sol. La Tour de Villebon que Mathieu peint en 1951 s’inscrit dans la période de maturité de l’artiste qui abandonne, comme Debré et Soulages, les outils traditionnels pour travailler avec des brosses de peintre en bâtiment, des balais ou en pressant le tube directement sur la toile.

Pour Debré comme pour Mathieu, l’emploi du noir s’affirme en réaction contre les palettes éclatantes et les coloris travaillés de l’École de Paris qu’ils jugent inappropriés dans le contexte de l’Après-guerre où résonnent encore le souvenir des horreurs et des privations. Pierre Soulages (né en 1919) fait du noir sa couleur de prédilection. À partir de 1979, il recouvre la totalité de la surface de ses toiles en jouant sur les inflexions du pinceau dans la matière épaisse et brillante qui renvoie la lumière. A contrario des tendances lyriques, son geste lent et mesuré compartimente la composition en espaces lisses et striés qui accentuent la dimension tactile de la peinture.

Désencombrement

Mainte fois annoncée, la mort de la peinture, poncif de la Modernité, devient une figure imposée du discours critique à partir des années 60. Comme le remarque Catherine Millet (née en 1948), les différents assauts menés contre la peinture (concurrence photographique, ambition du dernier tableau, épreuve du ready-made, monochrome, procès en obsolescence, déconstruction du tableau) ne l’ont pas achevée mais ont paradoxalement renforcé son pouvoir d’attraction et de résistance. Tout à la fois médium, moyen de représentation, objet physique, outil conceptuel et technique de recouvrement, la peinture (et particulièrement la peinture abstraite) semble tirer profit des menaces qui la guettent pour devenir un langage extrêmement malléable qui redéfinit sans cesse ses territoires d’investigation et ses propres codes.

Issu d’une génération qui renvoie dos à dos les tendances lyriques et géométriques, Martin Barré (1924-1993) s’engage dans une réflexion sur les données fondamentales de la peinture (le geste, la relation de la forme et du fond, le format, etc.) en peignant comme il l’écrit lui-même « des peintures, des propositions picturales, des questions sur/à la peinture ». À bien des égards, Barré anticipe une peinture du désencombrement et de la réduction qui n’existe que par elle-même. Il représente une tendance profondément matérialiste, où « il n’y a rien d’autre à voir que ce qu’il y a à voir ».

Déconstruction – environnement

Cette attitude matérialiste et critique se retrouve à partir du milieu des années 60, chez les artistes du groupe Supports/Surfaces qui s’attaquent directement aux constituants matériels du tableau en s’adonnant à différentes expériences d’ordre quasi-artisanales : pliage, nouage, trempage, impression de la toile, travail sur châssis libre etc. Christian Bonnefoi (né en 1948), artiste qui partage une certaine parenté avec le groupe, réalise des collages où des couches de tarlatane transparente rendent visibles les superpositions successives qui ont donné naissance à la composition en réitérant la forme du châssis, à la fois matrice et limite.

Parallèlement aux expériences de déconstruction de Supports/Surfaces, BMPT (acronyme servant à définir le groupe composé de Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni) tend à un "degré zéro de la peinture" par son rejet radical du sujet et de la figure. Limitant son travail à la présentation de toiles composées de rayures verticales de 8,7 centimètres, Daniel Buren (né en 1938) évolue très rapidement vers une réflexion sur l’interdépendance de l’œuvre et du lieu de présentation. À partir de 1975, il crée ses premières cabanes comme des environnements qui prennent en compte les propriétés physiques de l’espace qui les accueille. La Cabane rouge aux miroirs installée au milieu du cloître du musée de la Chartreuse de Douai constitue l’aboutissement originale d’une réflexion qui, prenant comme point de départ l’abstraction, s’oriente vers des créations in situ qui intègre le visiteur à son processus de matérialisation. 

 

Alexandre Holin pour l'ACMNPDC

ARP Hans & DELAUNAY-TERK Sonia (née), Sans titre (1950) - Gravelines, Musée du dessin et de l'estampe originale
Sans titre | Sans titre
Matin I
Matin I | Matin I
Signe personnage étroit
Signe personnage étroit | Signe personnage étroit
Sans titre
Sans titre | Sans titre
La Tour de Villebon
La Tour de Villebon | La Tour de Villebon
Pierre SOULAGE, Peinture 222 X 175
Peinture 222 X 175 | Peinture 222 X 175
Peinture, 1959
Peinture, 1959 | Peinture, 1959
73-74E-149x139
73-74E-149x139 | 73-74E-149x139
Sans titre
Sans titre | Sans titre
Photo-souvenir
Cabane rouge aux miroirs
Photo-souvenir Cabane rouge aux miroirs | Photo-souvenir Cabane rouge aux miroirs