987.2.1

Grand buffet

17e siècle (milieu) 1651 1657

Huile sur toile

Hauteur en cm : 137.5 Largeur en cm : 264.5 Hauteur avec cadre en cm : 171 Largeur avec cadre en cm : 292 Profondeur en cm : 9

Acquise comme anonyme par le musée de Tourcoing, cette grande nature morte nous a révélé, après examen, le monogramme MB (peut-être M de B) et la date de 1651 ou 57 apposés sur l'un des nombreux manuscrits représentés dans la partie gauche de la composition. Inconnu des dictionnaires spécialisés, le monogramme est toutefois venu conforter les rapprochements que nous avons cru devoir faire entre ce tableau et l'oeuvre de Michel Bouillon dont la signature présente, en outre, une graphie identique à celle des initiales portées ici. Souvent allégoriques, les natures mortes de l'époque baroque ne laissent que rarement le choix d'une interprétation unique. La grande perméabilité des niveaux symboliques, qui associaient aux quatre saisons les quatre éléments, à ceux-ci les quatre tempéraments, les quatre continents, aux cinq sens les cinq états sensibles de la matière, ne permet pas de dépasser une virtualité de sens qui, à nos yeux, est l'esprit même de l'iconographie baroque. Aussi nous refusons nous à croire que l'artiste ne fut ici qu'un oeil et un exécutant choisissant, en pur plasticien, des textures et des couleurs. La réduction à un sens privilégié, ou à l'absence même de sens, relève d'une interprétation positiviste et d'une appréhension esthétique contemporaine de la nature morte ancienne à laquelle une telle analyse ne peut s'appliquer avant Chardin. Mais au-delà de ces questions iconographiques, le tableau du Musée de Tourcoing offre une belle composition de fleurs et de fruits, habilement intégrée à un format particulièrement ingrat tant pas ses dimensions que par ses proportions. Atténuant l'horizontalité de l'oeuvre, l'arête du mur, puis le bouquet rythment le tableau verticalement. Dans la partie inférieure,le plateau du buffet permet à son tour de masquer cette division. La nature morte unit enfin ces différentes parties, tandis que des draperies, artificielles mais élégantes, ferment la composition. Le jeu subtil des plans, l'imbrication harmonieuse des formes, un coloris chaud et nuancé, la grande variété des pâtes et de la touche révèlent la main d'un artiste rompu à l'exercice du genre et se situant entre la tradition flamande, par la profusion des détails et le caractère expansif de la composition, et les modèles français, par le refus des grandes orientations purement obliques, la recherche d'un équilibre plus analytique que synthétique et l'isolement des formes privilégiées. Le rapprochement de ce tableau avec celui d'Arras permettra de faire valoir le bien-fondé de deux attributions faites indépendamment l'une de l'autre. L'on remarquera, notamment, la façon dont l'artiste a composé, sur une verticale accentuée, ses deux bouquets, ou encore le traitement très similaire et caractéristique des draperies (en haut à droite sur le tableau d'Arras). Les deux oeuvres se distinguent toutefois, et cela montre la variété dont fut capable l'artiste, par le prétexte historique utilisé dans le tableau d'Arras, ou le caractère plus noble de la nature morte de Tourcoing. Par l'acquisition de ce Grand buffet, les musées du Nord, qui possède encore trois oeuvres de Michel Bouillon (deux à Arras, une à Douai), proposent désormais un ensemble à la fois cohérent, varié et très représentatif de l'oeuvre méconnue de l'artiste. Créé sur un échiquier politique perpétuellement mouvant, ce grand tableau rappellera surtout au visiteur l'absence totale de frontière entre des Ecoles flamande et française qu'il est aujourd'hui bien difficile de définir (1). D. B. (1) Brême Dominique, "Michel Bouillon, Grand buffet", Peintures, sculptures XVIIe-XVIIIe siècle, achats exceptionnels des musées du Nord-Pas de Calais avec le concours du F.R.A.M. Lille, 1988, pp. 26 et 27.

h.g., dans le drapé, Monograme "M.B." ou "M. de B" et daté "1651" ou "1657"

Peintures/sculptures XVII-XVIIIe siècles, Les beffrois de la culture reprod. coul. pp. 106-107