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Valenciennes. Joute pour une attribution - La tapisserie dite Le Tournoi

© RMN-Grand Palais / René-Gabriel Ojéda
 
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© RMN-Grand Palais / René-Gabriel Ojéda

◄ Anonyme, Le tournoi, haute-lisse, laine, soie et argent, Bruxelles, fin XVe siècle, 497 cm x 579 cm, Valenciennes, Musée des Beaux Arts.

Au début du XXe siècle, le musée des Beaux-arts de Valenciennes s’enorgueillit de posséder ce qui est alors considéré comme l’un de ses chefs d’œuvre : Le Tournoi, une tapisserie de haute lisse de la fin du XVe siècle qui représente une joute de chevaliers devant une assistance princière. En 1900, l’œuvre est jugée suffisamment prestigieuse pour décorer le pavillon du Ministère de la Guerre lors de l’Exposition Universelle à Paris. Aucune certitude n’existe concernant sa provenance et son attribution. Les blasons qui ornent les marges appartiennent aux grandes familles du Royaume de Saxe. L’œuvre semble pourtant avoir été tissée dans les Flandres, à une époque où Valenciennes était une possession des États Bourguignons qui attirait à la fois les convoitises du Royaume de France et celles du Saint-Empire Romain Germanique.

Cette tapisserie énigmatique représente un tournoi de chevaliers, dans les Flandres, à la fin du XVe siècle. Sa présence au musée des Beaux-arts de Valenciennes reste un mystère. Elle est redécouverte en 1830 dans l’hôtel de ville par l’inspecteur des Monuments historiques Ludovic Vitet. Après restauration, elle est exposée au public et sa renommée gagne l’Allemagne. En 1908, un colonel Allemand Von Kretschmar, vient à Valenciennes pour l’étudier alors que Maurice Hénault, bibliothécaire-archiviste de la ville, prépare un article à son sujet.

Français et Allemands ne partagent pas les mêmes conclusions sur l’identification des personnages de la tribune du fond et la présence d’écussons de familles saxonnes sur la bordure. Les débats quant à son origine et appartenance sont ouverts, mais la guerre exacerbe les interprétations nationales à son propos. Le 10 octobre 1914, une fois la ville de Valenciennes occupée par les Allemands, Frédéric-Auguste III, roi de Saxe, la fait transporter à Dresde avant qu’elle ne soit ramenée peu après par les autorités allemandes pour apaiser les tensions avec la population. En 1918, l’œuvre bénéficie d’une place de choix dans l’exposition organisée par les Allemands au musée des Beaux-arts de Valenciennes, Geborgene Kunstwerke aus dem besetzten Nordfrankreich (Œuvres d’art protégées du Nord de la France occupée).


Photographies allemandes de l’exposition  
Gebrogene Kunstwerke aus dem besetzten Nordfrankreich
©Musée des Beaux-arts de Valenciennes.

Arguments à l’appui, spécialistes allemands et français tentent d’identifier les spectateurs du tournoi.

 Qui est le beau jeune homme au chapeau rouge représenté au milieu de la tribune ? 

    
A gauche : Détail de la latapisserie. A droite : Anonyme, Portrait de Philippe le Beau, 
archiduc d'Autriche, futur roi de Castille (1478-1506),
 1501, huile sur panneau,

Paris, Musée du Louvre

Les interprétations des Français et des Allemands convergent. Il s’agit du jeune Philippe, duc de Bourgogne plus connu sous le nom de Philippe le Beau, fils de l’Empereur Maximilien et de Marie de Bourgogne. Né à Bruges en 1478, il est l’époux de Jeanne Ière de Castille, dite Jeanne la Folle, et le père du futur Charles Quint.

Point de vue allemand :
« Nos yeux sont particulièrement frappés par la figure d’un jeune seigneur qui se tient tout auprès de la colonne de l’estrade […] : c’est Philippe, fils de l’Empereur Maximilien et de Marie de Bourgogne. Son image sur cette tapisserie est la reproduction fidèle de son portrait très connu du Louvre […] sa personne nous donne en même temps un point de repère pour l’examen de son entourage et l’époque de l’évènement représenté. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 32.

D’après :
► Colonel van Kretschmar, « Der Turnierteppich im Museum zu Valenciennes », Vierteljahresschrift für Wappen-, Siegel- und Familienkunde, n°1, 1910, traduit dans Jules Thiroux, La tapisserie du tournoi. Documents pour servir à l’histoire de l’occupation de Valenciennes de 1914 à 1918, Valenciennes, Lasseron/Déhion, s.d. [1923].
► Theodor Demmler, Kunstwerke aus dem besetzten Nordfrankreich ausgestellt im Museum zu Valenciennes, Munich, F. Bruckmann, 1918.

Point de vue français :
« L’identité du personnage placé à gauche du pilier de séparation ne peut laisser de doute à personne. Jeune, les cheveux longs retombant sur le cou bien dégagé, il porte une grande toque rouge à revers. […] Il porte au cou l’ordre de la Toison d’Or. C’est Philippe le Beau, le mari de Jeanne la Folle, tel qu’il est représenté, par exemple, dans le tableau d’auteur inconnu, donné au Louvre en 1901 par le musée de Versailles. »
Maurice Hénault, 1910, p. 152-153.

D’après :
► Maurice Hénault, « La tapisserie du tournoi au Musée de Valenciennes », La revue de l’art ancien et moderne n°161, août 1910, pages 149-156.
► Adolphe Lefrancq, Catalogue illustré et annoté des œuvres exposées au Musées des Beaux-arts de Valenciennes, tome premier, Valenciennes, Hollande Fils, 1931.

 Qui est l’homme aux longs cheveux au centre de la composition ? 

Détail de la tapisserie

Les points de vue divergent : pour les Français, il s’agit de Charles VIII, sacré roi de France en 1491 ; pour les Allemands, c’est l’Empereur Maximilien Ier, père de Philippe le Beau.

Point de vue allemand : 
L’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, Maximilien Ier


► Bernhard Strigel (d'après), L'empereur Maximilien Ier de Habsbourg, vers 1485-1515, huile sur bois, 28 x 38 cm., Paris, Musée du Louvre.

Après sa venue à Valenciennes en 1908, le colonel von Kretschmar, spécialiste de l’art héraldique, publie une analyse poussée de la tapisserie de Valenciennes. Le texte est traduit en français en 1923, comme « document pour servir à l’histoire de l’occupation de Valenciennes de 1914 à 1918 ». Si pour lui, il ne fait aucun doute que l’Empereur Maximilien figure sur la tapisserie, il montre pourtant les limites de son hypothèse.

« […] notre attention est d’abord attirée par le personnage qui se tient à côté de Philippe de l’autre côté de la colonne […], ce ne peut être là que l’Empereur Maximilien ou le prince électeur Frédéric. […] Si c’est là le portrait de Maximilien nous devrions voir, dans le bijou qu’il porte, l’Ordre de la Toison d’Or, […] Mais ce bijou n’est pas celui de la Toison d’Or. […] Peut-être ce bijou était-il un cadeau particulièrement précieux que Maximilien avait reçu de sa jeune épouse, qu’il portait en l’honneur d’elle […] »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 33.

Dans un second temps, il identifie le prince électeur Frédéric III de Saxe, avant de se raviser en faveur de Maximilien.

« Mais si, à cause de l’absence de l’ordre de la Toison d’Or, on ne veut plus voir dans ce portrait celui de Maximilien, mais celui du prince électeur Frédéric, il y a également ici une contradiction avec les portraits connus du prince électeur, sur lesquels il est toujours représenté avec toute sa barbe. […] ce qu’il y a de plus vraisemblable, c’est que nous avons devant nous Maximilien, comme le plus grand des personnages présents, et que le prince électeur Frédéric, […] n’a pas voulu y figurer, ou que nous devons alors le chercher parmi les cavaliers du tournoi. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 33-34.

Point de vue français :
Charles VIII, roi de France

► Jean Perréal, Portait d'homme (Portrait présumé de Charles VIII), 1490-1495, tempera sur bois, inséré dans la couverture d'un livre d'heures fragmentaire, 23 x 14,5 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France

Alors que von Kretschmar identifie ce personnage à l’empereur Maximilien Ier, Maurice Hénault lui trouve une ressemblance avec le portrait de Charles VIII, aujourd’hui attribué à Jean Perréal.

« […] appuyé contre le pilier décoré qui sépare en deux la loge, se trouve un homme dont la figure, comme les vêtements, sont des plus caractéristiques. Sur de longs cheveux retombant jusqu’aux épaules, est posée une sorte de toque rouge dont les côtés peuvent se rabattre et sont noués sur le devant par un ruban. […] Ce personnage porte au cou le collier de l’ordre de Saint-Michel. Sur ses épaules retombe un riche manteau aux larges revers d’hermine. […] on lui trouve deux portraits bien connus, dont il procède du reste une profonde ressemblance. Je veux parler du Charles VIII de Montfaucon […], et de la miniature de la Bibliothèque nationale, exécutée vers 1498. »
Maurice Hénault, 1910, p. 152.

Après-guerre, en 1931, l’édition du catalogue du musée de Valenciennes est l’occasion pour Adolphe Lefrancq conservateur du musée de Valenciennes de 1922 à 1943 de raviver la querelle qui eut lieu juste avant la guerre. Adoptant le point de vue de Maurice Hénault, Lefrancq s’élève contre les arguments d’historiens de l’art allemands qui avaient servi au roi de Saxe à justifier l’enlèvement de la tapisserie en octobre 1914 :

« […] Où l’Allemand s’est entêté à vouloir reconnaître les effigies de son ancien empereur Maximilien Ier et de la femme de ce prince, nous reconnaissons sans la moindre hésitation celui qui lui renvoya sa fille [Marguerite d’Autriche] et lui souffla sa fiancée, le romanesque roi de France Charles VIII, accompagné de son épouse Anne de Bretagne, prise par von Kretschmar pour Blanche Sforza. »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208.

Le conservateur réfute la présence de l’Empereur Maximilien, en invoquant un argument qui est une interprétation à la fois romantique et somme toute patriotique.

« Maximilien ne figure pas sur l’estrade : on comprend qu’il n’ait pas voulu se voir représenté dans cette manifestation auprès de son rival et de son ex-fiancée [Anne de Bretagne]. »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 210.

 Qui est la jeune femme, richement parée, dont l’annuaire exhibe un anneau ? 

 

Détail de la tapisserie

L’identité de cette jeune femme découle de celle donnée au personnage masculin qui lui fait face. Il est donc logique que les arguments des Français et des Allemands diffèrent. Les Français entre eux ne sont d’ailleurs pas d’accord : Jeanne la Folle pour Maurice Hénault contre Anne de Bretagne pour Adolphe Lefrancq. L’Allemand, von Kretschmar, reconnaît, quant à lui, Blanche-Marie Sforza, épouse de l’Empereur Maximilien.

Point de vue allemand :
Blanche-Marie Sforza, seconde épouse de l’Empereur Maximilien, belle-mère de Philippe le Beau


► Giovanni Ambrogio de Predis, Portrait de Blanche Marie Sforza, vers 1493, huile sur panneau, 51 x 32,5, Washington, National Gallery

« Sa riche robe de brocart, la parure précieuse que forment les chaînes d’or suspendues au cou et les bijoux sertis de pierres précieuses, et avant tout l’alliance de sa main gauche placée bien en vue – elle est la seule personne qui porte une alliance – la désigne suffisamment. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 34.

Point de vue français :
Jeanne Ière de Castille, dite Jeanne la Folle, épouse de Philippe le Beau.

École des Pays-Bas méridionaux, Bruxelles, Volet droit du triptyque de Zierikzee. Avers : Portrait de Jeanne la Folle 1482-1555 (détail), entre 1495 et 1506, 125 x 48 cm, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-arts

« Si l’on rapproche ce personnage du tableau du Musée de Bruxelles, attribué à Jacob Jansz de Haarlem, où Jeanne la Folle est représentée avec son mari Philippe le Beau, on trouve entre la princesse reproduite dans la tapisserie et la reine d’Espagne la ressemblance la plus frappante. »
Maurice Hénault, 1910, p. 152.

Ou : Anne de Bretagne, reine de France, épouse de Charles VIII

Horae ad usum romanum. Grandes Heures. France, Tours, début XVIe s. Vers 1505. 248 f. 300 x 195 mm. Mandement à Jean Bourdichon, du 14 mars 1507 (1508 n. s.), Paris, BnF, Lat. 9474. (Gallica)

Selon Adolphe Lefrancq, si le personnage masculin qui la jouxte est Charles VIII, il est plus logique de rattacher cette figure féminine à Anne de Bretagne, son épouse.

« Où le colonel allemand croit voir Blanche-Marie Sforza, où M. Hénault croit voir Jeanne la Folle, nous retrouvons les traits d’Anne de Bretagne. […) Devant lui [Charles VIII] sa jeune femme, dans une robe de brocart richement ornée, tient les deux mains posées l’une sur l’autre de façon à bien mettre en vue l’alliance qu’elle porte à la main gauche »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208-210.

 

 Qui est la jeune femme à la coiffe ornée de perles à gauche de Philippe le Beau ?

Détail de la tapisserie

Point de vue allemand :
Marguerite d’Autriche, fille de l’Empereur Maximilien et sœur de Philippe le Beau

► Bernard van Orley, Portrait de Marguerite d'Autriche, 1518, 630 x 878 cm, Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou

« De l’autre côté de l’estrade, nous pouvons voir, dans la gracieuse jeune dame en robe princière, parée de bijoux, qui tient une fleur à la main, à côté de Philippe, la sœur de celui-ci, la fille de l’Empereur Maximilien, Marguerite. » Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 34.

Point de vue français :
Jeanne Ière de Castille, dite Jeanne la Folle

► École des Pays-Bas méridionaux, Bruxelles, Volet droit du triptyque de Zierikzee. Avers : Portrait de Jeanne la Folle 1482-1555 (détail), entre 1495 et 1506, 125 x 48 cm, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-arts

Contre la proposition de son compatriote Maurice Hénault, Adolphe Lefrancq préfère situer l’épouse de Philippe le Beau à ses côtés :

« Jeanne d’Aragon que nous croyons reconnaître dans la jeune femme coiffée d’un coquillon bordé de perle et tenant une fleur à la main. »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 210.

Le personnage féminin situé derrière Philippe le Beau et Jeanne la Folle serait ainsi, Marguerite d’Autriche, la fille de l’empereur, ex-promise de Charles VIII.

« Nous pensons voir enfin, Marguerite d’Autriche dans la personne dont la tête apparaît entre celles de son frère Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, sa belle-sœur : la comparaison de cette figure avec le portrait qu’a peint de cette duchesse Bernard Van Orley (collection Carvalho) nous paraît ne laisser aucun doute sur cette attribution »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208-210.

Toutefois le portrait de Marguerite d’Autriche par Van Orley a très certainement été peint en 1518, alors que la tapisserie est datée des années 1490.

 Comment expliquer la présence de blasons du Royaume de Saxe sur les marges de la tapisserie ?

Point de vue allemand : 
Les écussons des grandes familles saxonnes sont la preuve que cette tapisserie était destinée à la Saxe. Ils sont liés directement aux personnages représentés pour témoigner de son appartenance saxonne.

« On ne peut mettre en doute que ces blasons sont en rapport avec l’électorat de Saxe à la fin du XVe siècle. […] Ce sont les blasons bien connus de ces provinces et seigneuries que nous avons devant nous. Au milieu de la rangée supérieure se trouve le blason du Grand Maréchalat d’Empire […] tous les blasons qui ornent la tapisserie nous conduisent aux années qui vont de 1490 à 1510 et, comme le prince électeur Ernest était mort en 1486, nous mènent forcément et sûrement vers son fils et successeur, le prince électeur Frédéric le Sage (1486-1525) »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 22 ; 27.

Néanmoins, von Kretschmar ne nie pas la réalisation flamande de la tapisserie

« […] il y a tout lieu de croire que cette tapisserie fut tissée dans le Brabant ou les Flandres. […] il paraît certain aussi qu’elle resta dans les Pays-Bas, que c’est donc là qu’elle trouva son origine et sa destination. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 27.

L’historien conclut que la tapisserie

« C’est le prince électeur Frédéric qui en fit la commande […]. Il est même très vraisemblable que le prince électeur Frédéric avait destiné cette tapisserie à son oncle le duc Albert [tuteur du prince Philippe], et qu’elle resta toujours dans les pays soumis au duc de Bourgogne »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 38.

Point de vue français :

La présence des écussons saxons sur la bordure a été l’argument principal des Allemands pour revendiquer la tapisserie. Maurice Hénault affirme que cette preuve est irrecevable, car la bordure serait un ajout tardif : 

«Un examen attentif de la bordure de la tapisserie […] permet d’affirmer qu’elle n’a point été faite en même temps que le reste de la composition. C’est postérieurement à 1525 […] qu’elle lui a été ajoutée pour remplacer la bordure primitive. La preuve en est dans la façon dont sont coupés de façon asymétrique le haut et le bas de chacune des palmettes sur tout le pourtour de la tapisserie. On ne saurait y voir un arrangement original, car aucun des motifs de décoration n’est coupé au même endroit. Les vingt blasons qui ornent la bordure appartenaient aux princes de la maison de Saxe […] La date de l’application à la tapisserie de cette seconde bordure armoirée, la seule que nous connaissions, peut être placée entre les années 1525 et 1535. »
Maurice Hénault, 1910, p. 149-150.

Toutefois, Maurice Hénault ne donne pas d’explication sur la présence des écussons. Une vingtaine d’années plus tard, Adolphe Lefrancq est plus prudent dans son argumentaire :

« D’après l’opinion de certains critiques, la bordure de la tapisserie n’aurait pas été faite à la même époque que le sujet principal. Pour cette raison nous croyons utile de présenter la remarque suivante : les rinceaux bleus sur fond jaunâtre de l’étoffe qui garnit les loges et sur laquelle se détachent les têtes des spectateurs, sont composés de fragments de motifs empruntés aux ornements de la bordure et semblent donc bien avoir été composés au même moment. […] Tous ces blasons n’auraient-ils pas pour but de faire connaître à la postérité les princes et gentilshommes saxons ayant pris part à cette fête extraordinaire […] ? »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208-209.

 Que représente la tapisserie ?

Point de vue allemand

Selon le point de vue allemand, la tapisserie commémore une fête donnée en souvenir de la remise du Duché de Bourgogne à Philippe le Beau par son père Maximilien Ier en 1494. Les vassaux saxons de Philippe étaient les héros de ces joutes. Von Kretschmar en arrive à la conclusion que :

« La tapisserie de Valenciennes représente un des tournois qui eurent lieu à Anvers les 19 et 20 octobre 1494 en présence des princes cités plus haut,- que c’est le prince électeur Frédéric qui en fit la commande et qu’elle était destinée à perpétuer le souvenir des fêtes qui accompagnèrent la remise du gouvernement du duché de Bourgogne par l’Empereur Maximilien au duc Philippe, mettant fin à la tutelle du duc Albert et son stathalterat des Pays-Bas. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 37-38.

Point de vue français

En ce qui concerne la date du tournoi, les français proposent :

« C’est incontestablement vers la fin du quinzième siècle, peut-être en février 1497, et probablement à Bruxelles, s’il faut en croire la chronique belge, que se donna le tournoi. »

Cette datation permet de rattacher la tapisserie à la chronique des rois de France. En 1497, Charles VIII vient de signer une trêve avec le Saint-Empire Romain Germanique et l’Espagne, afin d’avoir les mains libres pour les guerres d’Italie :

« Le tournoi paraît avoir été ordonné en l’honneur du roi de France, vraisemblablement à l’occasion d’un voyage dans les Pays-Bas.»
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208-209.

 

Texte : Alexandre Holin, Daniel Bonifacio

Relecture : Célia Fleury, Anne Labourdette, Christina Kott

Bibliographie non exhaustive

Catalogue de l’exposition, Sauve qui veut. Des archéologues et musées mobilisés, 1914-1918, Forum antique de Bavay et Musée de la Chartreuse de Douai, 2014.

Christina Kott, Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupées, 1914-1918, P.I.E. Peter Lang, Comparatisme et société n°4, Bruxelles, 2006.

Adolphe Lefrancq, Catalogue illustré et annoté des œuvres exposées au Musées des Beaux-arts de Valenciennes, tome premier, Valenciennes, Hollande Fils, 1931. 

Catalogue de l’exposition Geborgene Kunstwerke aus dem besetzten Nordfrankreich ausgestellt im Museum zu Valenciennes, Munich, F. Bruckmann, 1918.

Maurice Hénault, « La tapisserie du tournoi au Musée de Valenciennes », La revue de l’art ancien et moderne n°161, août 1910, pages 149-156. (consultable en ligne)

 

 

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