Le lieu, la farique,

La manufacture de faïences artistiques, copies d’ancien et de créations de décors André Belloir était située au 36 rue Hallé dans le xiv^e arrondissement de Paris, dans l’impasse dite Villa Hallé. Cette fabrique avait succédé à l’ancienne maison Charles Roland qui devait produire le même type d’objets et cessa toute production peu après la seconde guerre mondiale. La grande spécialité de cette petite manufacture était la reproduction d’œuvres anciennes, principalement des potiches couvertes de Delft et d’inspirations chinoises. Les photographies alignent les oeuvres comme un catalogue et présentent des pièces de prestige, comme des aiguières dans le goût arabo-renaissance, un tulipier ou des vases aux anses torsadées et aux formes complexes. Pour réaliser de telles œuvres, un tour de main, des savoir-faire et des connaissances artistiques étaient réellement nécessaires à tous les stades de la fabrication.

Les images montrent une manufacture qui semble vraiment à l’étroit dans ses bâtiments, avec des postes de travail multifonctionnels et s’inscrivant dans la tradition. Perpétuant une gestuelle ancestrale sans beaucoup d’évolutions techniques, nos documents sous-tendent de faibles marges et peu d’investissements ; ce qui est compréhensif lorsque l’on voit la finesse et la complexité des décors qui demandaient un nombre incalculable d’heures de travail.

Sans savoir réellement les liens de continuité, c’est également dans ces bâtiments que le céramiste Jacques Blin s’installa dans les années 50*. En l’absence de sources plus précises, il est possible que l’emplacement de cette fabrique soit occupé aujourd’hui par une société de photographies publicitaires. 

La machine à piquer les calques,

Nos quelques recherches sur ce lieu ont commencé lors de l’acquisition par le musée de la machine à piquer les calques (2005.3.1). Mais, sur aucun des clichés ne se retrouve cette petite machine, même ceux en lien avec les ateliers de décors. Cette machine, devait certainement être à l’écart de tous mouvements d’atelier et se situer dans le bureau de monsieur Belloir. Lors de notre achat, ce mécanisme nous avait été présenté comme une pièce exceptionnelle. C’est son coffre en bois ciré, sa transmission relativement étudiée (sans être compliquée) et l’habileté nécessaire à son fonctionnement qui en avait essentiellement fait un objet particulier ; surtout précis et à tenir à l’écart de la poussière. Mécanisme relativement fragile, dans cette manufacture exigüe, peu mécanisée, voire poussiéreuse et déjà vieillissante. Hormis les plaques de verre, c’était aussi le dernier objet que les descendants possédaient de leur ancienne manufacture familiale.

Il y a des regards que l’on n’oublie pas, à la fois contrits par la nostalgie et honorés par le fait qu’un musée s’intéresse au passé de leur fabrique, l’un des maillons oubliés des petites manufactures parisiennes. Le musée prend alors tout son sens en honorant les familles et les savoir-faire habiles et besogneux des manufacturiers. En constituant ce fonds photographique, le musée Charles VII ne fait pas que de sauver quelques objets. Il historie cette petite machine en lui recréant son environnement industriel, en décortiquant une part de son histoire et, enfin, il tire de l’oubli un lieu caché au cœur de Paris.

Premières recherches réalisées par Susana Pereira-Tavares et Philippe Bon.

* Né en 1920, Jacques Blin, ingénieur chez Bréguet aéronautique mais passionné par la terre et la céramique, crée son atelier en 1952 au 36 rue Hallé. Il participera à de nombreuses expositions et deviendra le Président de la Chambre syndicale des céramistes et des ateliers d’art. Il participa en 1981 à l’exposition sur les “Céramiques françaises et contemporaines”, organisée au Musée des arts décoratifs de Paris. Il participa à ce large mouvement de “réinvention” de la céramique d’après guerre au côté de Jacqueline Lerat, Mado Jolain ou Vassil Ivanoff, pour ne citer qu’eux... Il décède en 1996.

Lien vers la première fiche de ce groupe : http://webmuseo.com/ws/musee-mehun/app/collection?expo=6&index=1