Amedeo Modigliani : un moderne sous influence

Né à Livourne en Toscane, Amedeo Modigliani (1884-1920) arrive à l’âge de 21 ans à Paris, où il participe à l’émergence de l’art moderne aux côtés de Pablo Picasso (1881-1973) et Constantin Brancusi (1876-1957). Son art n’en reste pas moins nourri des œuvres qu’il a pu voir durant sa jeunesse, notamment  la peinture des primitifs(1) siennois et des maniéristes(2) toscans. Sensible à de multiples influences, (occidentales et extra-occidentales, anciennes et contemporaines), il en opère la synthèse dans des portraits aux regards impassibles.

Une maternité, telle une Vierge à l’enfant mélancolique

1- Amedeo Modigliani, Maternité, 1919, huile sur toile, 130 x 81 cm, Villeneuve d’Ascq, LaM
2- Jacopo di Cione, La Vierge et l'Enfant avec saint Vincent, saint Jean, saint Augustin et sainte Catherine (détail), 2e moitié XIVe siècle, tempera et feuille d’or sur bois, 153 x 169 cm, Ermenonville, église saint Martin

La Maternité peinte par Modigliani à la fin de sa courte vie n’est pas sans évoquer les madones du Trecento et du Quattrocento. La composition reprend la pose figée, le caractère majestueux et l’attitude digne des Vierges à l’Enfant réalisées entre la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance. Le modèle du tableau fut très certainement Jeanne Hébuterne (1898-1920), compagne de Modigliani, tenant dans les bras leur enfant. La mélancolie qui émane de la scène semble annoncer la fin tragique de la jeune femme qui se donne la mort à l’âge de 21 ans, suite au décès de l’artiste.

Des visages comme des icônes impassibles

Amedeo Modigliani, Petit garçon roux, 1918, huile sur toile, 92 x 55 cm, Villeneuve d’Ascq, LaM

L’art de Modigliani pioche dans l’histoire de l’art comme dans un vaste répertoire de formes et d’attitudes. Avec son regard sans pupille et son corps étiré, le Petit garçon roux rappelle tout à la fois les masques africains et les élongations de la peinture maniériste. Il se dégage de son visage une forme de rayonnement lumineux qui crée un halo argenté. Ce nimbe rappelle l’effet produit par l’or rutilant autour des figures dans la peinture gothique et gothique international (Cf. « Des œuvres d’or et de lumière »).

(1) primitifs : désigne les peintres italiens qui, du début du Trecento au début du Quattrocento, amorcent les inventions formelles de la Renaissance (humanisation des figures, invention de la perspective, conception narrative de l’image).
(2) maniériste : période qui s’étend des années 1520 aux années 1580, au cours de laquelle la peinture cultive les effets de style sophistiqués comme l’élongation des corps, les éclairages contradictoires et les espaces tourmentés.
(3) Trecento et Quattrocento : quatorzième et quinzième siècle en Italie.