Les petits maîtres nordiques et les genres

Les artistes nordiques s’intéressent à l’expérience du quotidien partagé par tous les hommes. Le réalisme est la composante principale de cette peinture. Outre Rembrandt ou Vermeer, la peinture de genre flamande et hollandaise compte de nombreux petits maîtres peu connus, bons praticiens et très productifs. Afin de satisfaire leur clientèle, ils se spécialisent dans un sujet particulier.

 

Le paysage

Libérés d’un carcan théorique trop contraignant, les nordiques jettent sur le paysage un regard neuf et attentif aux moindres nuances. Objet de contemplation pure, il est dépouillé de toute allusion à la religion et à l’histoire (Lieve Pietersz Verschuier (1627 - 1686), Marine et école de Ian van Goyen (1596 - 1656), Paysage hollandais).

 

La scène de société

Les petites scènes de genre figurent des êtres humains ordinaires et sans identité se livrant à des activités quotidiennes. Dans l’Intérieur de Cabaret de David III Ryckaert (Fig. 7), les gestes et les expressions exacerbés des personnages confèrent au tableau un caractère pittoresque très apprécié des amateurs. Ces oeuvres peuvent comporter une dimension moralisante visant à mettre en garde le spectateur contre les plaisirs futiles de la vie.

 

La scène de bataille

Parallèlement aux commémorations peintes de faits d’armes précis, se développe une production de scènes de bataille, sans héros, destinées à un public simplement séduit par le thème pictural. Dans ces compositions, le peintre évoque la violence du mouvement et le désordre des combattants dans un paysage voilé par de sombres effets atmosphériques comme dans l’imposant Choc de cavalerie entre Impériaux et Suédois de Pieter Meulener (Fig. 8).

 

L'intérieur d'église

La représentation réaliste d’intérieurs d’églises fait partie de ces sujets rares dans d’autres pays, qui occupent une place notable dans la peinture nordique. Monuments existants ou vues imaginaires, ces architectures grandioses et austères, animées de petits personnages, montrent toute l’habileté des peintres à accroître la sensation de profondeur (Fig. 9).

 

Le commerce des tableaux nordiques

Au début du siècle, après la séparation des Provinces-Unies et des Pays-Bas du Sud, restés sous domination espagnole, l’art hollandais évolue. La cour de La Haye et l’Eglise réformée n’exerçant aucun mécénat d’importance, les peintres se tournent vers une production plus modeste, adaptée aux goûts d’une clientèle issue de la bourgeoisie. Le développement de ce marché de l’art est permis par l’expansion économique dont les bénéfices rejaillissent sur toutes les couches de la société. La diversité des thèmes abordés tient à ce que les artistes, pour la première fois dans l’art occidental, créent dans un but commercial et non sur commande.

Dans le sillage de l’abondante production hollandaise, la ville d’Anvers, en Flandres, se spécialise dans une production de tableaux à prix modérés. L’effondrement du marché local oblige les artistes à chercher ailleurs des débouchés. De nombreux marchands d’origine flamande s’implantent alors à Paris, où le petit peuple et les artisans leur achètent des tableaux à prix réduits. Les guildes parisiennes tentent d’en limiter l’importation. Ces tableaux sont progressivement introduits dans les cercles d’amateurs éclairés. Si la peinture d’histoire, que les Français placent au sommet de la hiérarchie des genres reste essentiellement italienne, les genres sont l’apanage des nordiques. Les «curieux» affectionnent le charme des scènes de société et des paysages produits par les peintres flamands ou hollandais.