Les premières bibliothèques princières apparaissent au cours du 12e siècle avec l'essor d'une littérature nouvelle, en langue vernaculaire et de caractère profane. Ces bibliothèques prennent une nouvelle dimension sous l'impulsion des princesses de la famille royale dans la première moitié du 14e siècle, puis avec le roi Charles V (1338-1380) et ses frères, dont le célèbre duc de Berry. Les arts du livre se déploient à travers un grand renouvellement stylistique et iconographique de l'enluminure, ainsi que dans les reliures de tissus. Cette tradition royale se poursuit jusqu'à la fin du Moyen Âge.

  A l'imitation du modèle princier, la noblesse acquiert de beaux manuscrits profanes à la fin du Moyen Âge. Les ouvrages font écho aux préoccupations aristocratiques. Les ouvrages d’édification spirituelle ne manquent pas à l’instar du Chapelet de prudence et des vertus (Chapelet des vertus, Tours, vers 1520, musée du château de Blois). Composé au 14e siècle par Honorat Bovet, le traité de L’Arbre des batailles est le best seller de la littérature consacrée au droit des armes (L'Arbre des batailles, Bourgogne, vers 1430, musée du château de Blois). L'histoire est également très présente aussi bien pour l'Antiquité (Valère Maxime, Faits et dits mémorables des romains, Bruges, avant 1477, musée des Beaux-Arts de Tours) que pour l'histoire du royaume de France et de ses plus récents soubresauts relatés par les Chroniques de Philippe de Commynes. Ces récits sont volontiers mis au service d’un discours célébrant l’origine d’ancêtres illustres sous une forme tantôt romancée tantôt plus érudite. Les relations officielles des cérémonies royales, comme l’entrée de la reine Claude de France à Paris en 1517, n’y dérogent pas et s’ouvrent par la généalogie des princesses (Feuillet du Sacre de Claude de France, Paris, 1517-1518, musée du château de Blois).

Chapelet des Vertus

  Le Chapelet des Vertus est un traité moral anonyme écrit au XIVe siècle qui s'inspire d'un texte français antérieur, Les Fleurs de toutes vertus, lui-même adapté d'un traité italien, Le Fiore di virtu. C'est un commentaire sur les vertus et les vices compilant des citations philosophiques, patristiques et bibliques. A ce jour, quatorze manuscrits et seize éditions imprimées connus témoignent de son succès.

   L'exemplaire de Blois fut commandé pour son épouse Françoise Filsaye par Macé Marchant, secrétaire et contrôleur de l’argenterie des reines Anne de Bretagne et Claude de France. Les marges sont semées de fleurs (pensées, rose, iris, ancolie et peut-être violette). Dans le monogramme se lisent les lettres du prénom MACÉ, un double MA (pour MAcé MArchant) et un double F (ou F tête-bêche pour Françoise Filsaye). Les F suspendues par des cordelières aux tiges des pensées désignent l’épouse, objet de toutes les pensées de Macé. Les phylactères bleus portent le mot «Espoir .K.L.», probable dédicace en forme de rébus («Qu’à elle»).

Pierre-Gilles Girault

Conservateur et directeur adjoint, château royal et musées de Blois

Valère Maxime et dits mémorables des romains

  Cette enluminure, entièrement dessinée et peinte à la main, provient d'une édition imprimée de Valère Maxime, Faits et dits mémorables des romains, datée avant 1477. Celle-ci présente une scène de dédicace : un religieux en noir, peut-être Simon de Hesdin, dans son costume d'hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, offre, au roi de France, sa traduction en français du traité d'histoire antique de Valère Maxime (1er siècle ap. J.-C.). Si l’un des courtisans, appuyé sur une canne, s’intéresse à la scène, deux autres se laissent divertir par l’homme espiègle, caché derrière le pilier, à l’extrémité gauche. Les expressions finement observées sont rendues par un pinceau extrêmement sensible et précis qui évoque le crayon.

  L'artiste de ce fragment est à rapprocher du dessinateur du Valère Maxime de Bergues qui a illustré deux exemplaires imprimés de l'historien romain : celui incomplet de la bibliothèque municipale de Bergues et deux volumes de la Bibliothèque nationale de France. L'activité de ce miniaturiste anonyme est située à Bruges vers 1570-1480.

   Une miniature de la Bibliothèque Royale à Bruxelles (Inc. A 2322) figurant la table des sobres et la tables des intempérants pourrait provenir du même exemplaire que cette scène de dédicace conservée au musée des Beaux-Arts de Tours.

 

Isabelle Delaunay

Consultante en manuscrits enluminés, Paris

Honorat Bovet, l'Arbre des batailles

  Best-seller et chef-d’oeuvre de la littérature en langue d’oïl de la fin du Moyen Âge, L’Arbre des batailles est un traité sur le droit des armes composé en français entre 1386 et 1389 par le Provençal Honorat Bovet (1345/1350-1410). Le manuscrit présente les deux sujets habituels dans l’illustration de ce texte : l’offrande du livre au roi, ici en présence des douze pairs laïcs et ecclésiastiques, et l’arbre des batailles, dont les branches sont occupées par des combattants armés. L'équipement militaire des hommes d'armes et les vêtements des pairs laïcs (coiffés de chaperons et mortiers et vêtus de longues houppelandes retenues par une ceinture portée basse) ont d'abord conduit à dater ce manuscrit vers 1405-1415. Les scènes ont été dessinées à la plume, tandis que lettrines et armoiries ont été peintes en couleur.

   Best-seller et chef-d’oeuvre de la littérature en langue d’oïl de la fin du Moyen Âge, L’Arbre des batailles est un traité sur le droit des armes composé en français entre 1386 et 1389 par le Provençal Honorat Bovet (1345/1350-1410). Le manuscrit présente les deux sujets habituels dans l’illustration de ce texte : l’offrande du livre au roi, ici en présence des douze pairs laïcs et ecclésiastiques, et l’arbre des batailles, dont les branches sont occupées par des combattants armés. L'équipement militaire des hommes d'armes et les vêtements des pairs laïcs (coiffés de chaperons et mortiers et vêtus de longues houppelandes retenues par une ceinture portée basse) ont d'abord conduit à dater ce manuscrit vers 1405-1415. Les scènes ont été dessinées à la plume, tandis que lettrines et armoiries ont été peintes en couleur.

   Les armoiries (f.1, voir illustrations dans la notice ci-dessous), longtemps restées anonymes, ont été attribuées à Louis de Chantemerle (vers 1397-1465), écuyer, seigneur de la Clayette, échanson puis conseiller et chambellan du duc de Bourgogne, également bailli de Mâcon. L'identification du commanditaire nous incite à retarder l'exécution du manuscrit de Blois vers 1430-1440 à l'instar des autres volumes de la bibliothèque de Louis de Chantemerle*.

Pierre-Gilles Girault

Conservateur et directeur adjoint, château royal et musées de Blois

*Jean Bernard de Vaivre "Un bibliophile bourguignon au début du XVe siècle. Louis de Chantemerle, seigneur de la Clayette et ses manuscrits", dans Journal des savants, 2005, n°2, p.317-397.

Feuillet du Sacre de la reine Claude de France

  Ce feuillet provient d’un livret commémorant l’entrée de la reine Claude de France, épouse de François Ier, à Paris en 1517. Depuis l'entrée de Marie Tudor dans la capitale en 1514, il était d'usage de confectionner des livrets illustrés de miniatures figurant les scènes ou les échafauds jalonnant le parcours des entrées royales. Un enlumineur parisien proche de Jean Pichore semble s'être spécialisé dans ces livrets exécutés en série et a produit les manuscrits des funérailles d'Anne de Bretagne, des entrées de Maris Tudor et de Claude de France, qui lui valent son nom de convention de Maître des entrées parisiennes (autres exemplaires réalisés par le même enlumineur : Paris, ENSBA, Ms. 491 et Paris BnF, fr 5750, voir liens ci-dessous).

  Au verso de l’enluminure, onze vers exaltent la paix du royaume dans une écriture et une mise en page qui révèlent que ce feuillet provient du même volume qu'un autre feuillet isolé, aujourd’hui conservé à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (Paris, ENSBA, Mn. Mas 157, voir lien ci-dessous).

  L’enluminure de Blois reproduit l’échafaud monté à la fontaine des Saints-Innocents, rue Saint-Denis. En haut, un grand coeur abrite au centre Amour divine, à gauche Amour conjugale et à droite Amour naturelle, c’est-à-dire l’amour maternel. Ces vertus sont illustrées en bas par des exemples bibliques ou antiques. Au centre, le roi David accorde sa clémence à Abigaïl pour l’amour de Dieu. A gauche, l’amour conjugal est illustré par Julia et Porcia, mortes de chagrin à la mort de leurs époux. A droite, Véturie qui incite son fils Coriolan à la clémence en exhibant le sein qui l’a nourri, incarne l’amour maternel. Au sommet, trois écus : à gauche, les armes de Claude de France, assimilée à l’amour conjugal ; à droite, l’écu de Louise de Savoie, belle-mère de la reine, pour l’amour maternel ; au centre, l’écu du roi ceint du collier de Saint-Michel. Sur le cadre architectural s’enroule une cordelière franciscaine, emblème commun au roi, à sa mère et à son épouse.

 

Pierre-Gilles Girault

Conservateur et directeur adjoint, château royal et musées de Blois