On distingue dans la liturgie chrétienne l’office quotidien réparti en huit moments de la journée – les heures canoniales, qui rythment la journée toutes les trois heures (matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies) –, la messe (l’eucharistie) et de nombreux rites (pour l’administration des sept sacrements, les vœux monastiques, les funérailles, les consécrations d’église ou d’autels, les exorcismes et les bénédictions).

 

Ces cérémonies se composent de gestes, de lectures, de chants et de prières dont certains sont invariables et d’autres changent en fonction du calendrier ou du saint fêté. À partir du 11e siècle, apparaît la tendance à compiler tous les textes nécessaires à ces célébrations en un seul livre : ceux de l’office dans le bréviaire, ceux de la messe dans le missel, et ceux des rites dans des rituels, dont certains à l’usage des évêques sont appelés pontificaux. Ces livres ne remplacent pas totalement d’autres ouvrages conçus pour servir à un endroit précis de l’église. Le sacramentaire ne sert ainsi qu’au célébrant, tandis que l’antiphonaire (Antiphonaire de N-D de Chartres, vers 1515-20, musée d'art et d'histoire, Dreux), pour l’office, ou le graduel, pendant la messe, sont utilisés au chœur par le chantre et la chorale. En raison de leur grand format, ces livres ont souvent été la proie des dépeceurs de manuscrits qui trouvaient dans leurs imposantes et riches enluminures des images à découper et à vendre sous forme de petits tableaux.

Antiphonaire de N-D de Chartres, Paris ou Rouen (?), musée d'art et d'histoire de Dreux

Cette grande lettrine a été découpée dans un antiphonaire* provenant de Notre-Dame de Chartres, comme l'indique le petit écu en cuir découpé aux armes du chapitre cathédrale (d'azur à une chemise d'argent). La Sainte Chemise de la Vierge était la plus insigne relique de la cathédrale, offerte par Charles le Chauve à l'église de Chartres en 876 et miraculeusement préservée durant l'incendie de 1194. Bien que la relique fût, en réalité, un voile de cinq mètres de long, la traduction française "chemise" adoptée dans les Miracles de Notre-Dame a conditionné l'iconographie postérieure.

   La lettre H bleue rehaussée d'un filet blanc est ornée de décors floraux et de rinceaux enroulés à l'antique, peuplés d'oiseaux et de chimères enlevés sur un fond d'or, dont le style évoque les manuscrits tardifs du cercle de l'enlumineur parisien Jean Pichore, actif de 1502 à 1520.

   Le verso du feuillet est occupé par une partition en notation carrée accompagnant un extrait du chant Te decus virgineum virgo dei genetrix. Celui-ci figure dans l'office de la Vierge pour plusieurs fêtes en son honneur : Annonciation (25 mars), Nativité (8 septembre) et conception de la Vierge (8 décembre).

 

Pierre-Gilles Girault

Conservateur et directeur adjoint, château royal et musées de Blois