959.13.1

198 (N° d'entrée)

Ce tableau de Louis Gadbois, peintre actif à Paris à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle et ayant exposé jusqu'en 1817, a pour thème un paysage dans lequel sont mis en scène de jeunes femmes et des troupeaux. Cette œuvre est parfaitement représentative de l'évolution que connaît alors ce type de peinture, qui devient un genre prisé, exploité et renouvelé par plusieurs courants artistiques au long du XIXe siècle, époque de son apogée. La naissance du paysage comme genre pictural à part entière est relativement récente alors ; elle remonte au XVIIe siècle seulement : auparavant, lorsqu'un site est représenté, il n'occupe qu'une fonction décorative. Peu à peu donc, le paysage, même s'il reste un genre mineur selon la hiérarchie établie par André Félibien (1619-1695) en 1667 dans une préface des Conférences de l'Académie, devient autonome et précisément codifié. À la fin du XVIIIe siècle, sous l'impulsion de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819), se manifeste un souci grandissant de réalisme dans les compositions. Les artistes effectuent un travail préparatoire sur site, en plein air, et à partir de ces études d'après nature, ils retravaillent ensuite le sujet en atelier. Naît ainsi un genre nouveau, le "paysage historique" (qui devient une section spécifique du Prix de Rome), sorte de compromis entre le paysage recomposé, réagencé selon le goût de l'artiste, et les représentations d'après une observation fidèle de la nature. Au début de sa carrière, avant la naissance de l'École de Barbizon à laquelle il est rattaché, Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) a expérimenté cette pratique notamment au cours de séjours en Italie. Le travail essentiellement sur le motif deviendra une composante réitérée dans la peinture impressionniste à la fin du siècle. L'œuvre de Gadbois s'inscrit dans cette évolution. Inspirée probablement d'un site précis, elle propose néanmoins un paysage qui semble idéalisé, associant la montagne à l'arrière-plan, le fleuve en zone médiane, et la campagne sur le devant de la composition. La présence des jeunes femmes et des troupeaux donne une tonalité pittoresque et renvoie aussi aux pastorales héritées de la littérature du XVIIIe siècle. La représentation d'une fontaine agrémentée d'une sculpture "à l'antique" est certes une allusion au néo-classicisme, mais annonce aussi l'esthétique des ruines qui se manifestera dans l'art romantique quelques années plus tard. Nathalie Pineau-Farge.