À bicyclette
Le pégase à pédale, le biclou, la petite reine, tous ces noms pour désigner un seul et même objet, le vélo. Depuis l’invention du premier vélocipède (combinaison de deux mots latins : velox : rapide et pes : pied) breveté en 1818 par le baron allemand Karl Drais von Sauerbroom, l’objet n’a cessé d’évoluer. S’adaptant aux désirs les plus fantasques, il est d’abord un loisir luxueux pratiqué par les dandys et la bourgeoisie du milieu du XIXe siècle. La révolution industrielle, permet de le produire en masse, faisant baisser son prix. La bicyclette devient objet du peuple. Synonyme de vitesse et de liberté mais aussi souvent de chute, la bicyclette est rapidement devenue l’un des sujets favoris de l’imagerie populaire. Celle-ci joue souvent la carte de l’humour en mettant en scène des situations et des accidents plus grotesques les uns que les autres.
L'art de vélocer
L’invention de Drais, que l’on nommera vélocipède ou encore draisienne, est un objet rudimentaire qui ne permet pas d’aller très vite. Le vélocipédiste, en position de cavalier, doit alternativement prendre appui avec ses pieds sur le sol pour faire avancer l’engin. Des courses de vélocipèdes étaient organisées par la haute société dans les parcs parisiens. Mais cette nouvelle mode s’essouffle rapidement. En 1861, l’invention de la pédale, placée sur la roue avant, donne un nouveau souffle au vélocipède. La jeunesse dorée se lance dans sa pratique, « l’art de vélocer » est né ! Toute la bourgeoisie souhaite posséder son « véloce ». L’industrie s’empare du phénomène. Au même moment, les anglais améliorent l’objet en brevetant la « bicyclette ». La roue arrière entrainée par un système de pédalier devient motrice. L’évolution de ce nouveau moyen de locomotion s’illustre dans les planches de jeux à découper destinées aux enfants.
La bicyclette, vecteur d'émancipation féminine
Au tournant du XXe siècle, la bicyclette va être un vecteur d’émancipation féminine ; les vêtements évoluent et offrent une plus grande liberté de mouvement. En « véloce », elles portent désormais une culotte bouffante, le bloomer, ou une jupe culotte, qui sont parfois jugées trop masculines. Une partie du corps médical, s’oppose au cyclisme féminin, s’insurgeant de l’objet, qui rendrait les femmes stériles, encouragerait le dévergondage et l’exhibitionnisme… Qu’importe, les femmes sont bien décidées à passer outre ; un vent de liberté souffle sur leur condition grâce à ce nouveau moyen de locomotion.
L'armée à vélo
La bicyclette est adoptée par l’armée à la fin du XIXe siècle. Durant la Première Guerre mondiale, le vélo est très utilisé, notamment dans les régiments d’infanterie où il est employé principalement dans les missions de transmissions d’informations. On retrouve ces cyclistes sur les jeux à découper destinés aux petits garçons de l’époque.
Le vélo, moyen de locomotion populaire
En 1869, on compte entre 5000 et 6000 bicyclettes en France ; moins d’un demi-siècle plus tard, en 1914, plus de 3.5 millions de Français possèdent un vélo. A l’aube du XXe siècle, le coût de production de la bicyclette baisse considérablement. L’arrivée du cycle dans les classes laborieuses révolutionne la manière de se déplacer ; le vélo rapproche l’employé de son travail et certains corps de métiers en font leur nouveau moyen de locomotion (facteur, patrouilles de police). Il devient un cadeau pour les enfants ayant réussi le certificat d’étude. Sa popularité est telle que la publicité n’hésite pas à s’en saisir, le vélo devient un support promotionnel.
L'avénement du vélo en tant que sport
À compter du XIXe siècle les courses cyclistes de grande ampleur s’organisent : à partir 1891, le Paris-Brest-Paris ; le Paris-Roubaix dès 1896… Le XXe siècle voit l’avènement du vélo en tant que sport. Le Tour de France est créé en 1903. Seuls soixante coureurs participent à sa première édition, mais la Grande Boucle devient très vite le symbole des cultures populaires. A la veille de la Première Guerre mondiale, le Tour est vu comme une « fête du progrès », les coureurs sont considérés comme des soldats du sport. Des jeux de société se déclinent autour de la célèbre course cycliste.
D'après les textes de l'exposition-dossier "À bicyclette" écrits par Saskia Andreux-Claudel, stagiaire au musée de l'Image en 2021.
Pour aller plus loin
BESSE, Nadine (sous la dir.), Le vélocipède : objet de modernité 1860-1870 [catalogue d’exposition], Saint-Etienne : Musée d'Art et d'Industrie / Silvana Editoriale, 2008.
Saskia Andreux-Claudel
