Lucas Cranach l’Ancien a réalisé de nombreuses peintures de Vénus et Cupidon voleur de miel à partir de 1527 alors que cette iconographie reste un sujet peu représenté dans l’histoire de l’art. Le peintre et son atelier ont produit non loin d’une trentaine de versions de ce thème, qui se distinguent entre elles par la pose des personnages, le traitement des étoffes et des accessoires, la présence d’un encart ou encore un fond tantôt paysagé tantôt uni.
L’inscription latine en haut à gauche du tableau renvoie à la 19e idylle du poète grec Théocrite et révèle le sens de cette iconographie inhabituelle. Il s’agit de Cupidon, dieu de l’amour, qui ayant volé un rayon de miel, pleure de douleur après s’être fait piquer par les abeilles ; Venus, amusée, lui rappelle ironiquement que lui aussi « pique » d’amour, infligeant ainsi une forme de douleur.
C’est le premier sens de la peinture mais ce genre d’œuvres était, à la Renaissance, fait pour être « lu » à différents niveaux. Ainsi le regard de Venus tourné vers le spectateur semble-t-il également faire l’effet d’une mise en garde. Si ce dernier « pique », il pourrait bien être « piquer » en retour…
Parallèlement, cette représentation de Vénus témoigne du développement inédit du nu féminin vers la fin du XVe siècle, notamment en Italie : on pensera à la Vénus de Botticelli par exemple. Mais ces nus féminins se parent la plupart du temps du manteau de la mythologie qui justifie en quelque sorte leur nudité. C’est bien sûr le cas ici mais on peut y discerner aussi une forme de sensualité : son statut intemporel se trouve en effet subitement actualisé par des accessoires alors à la mode tel que le couvre-chef en velours rouge, la coiffe de perles ainsi que le collier savamment ouvragé.