Cette œuvre illustre une scène de la mythologie grecque, Hercule à la cour d’Omphale. Au livre II des Fastes, Ovide narre comment Hercule, fils du dieu Zeus et de la mortelle Alcmène, fut condamné à la servitude par l’oracle de Delphes à la suite du meurtre de son ami Iphitos. Le héros, célèbre pour ses douze travaux, est alors vendu comme esclave à Omphale, reine de Lybie. La souveraine le force à se travestir en femme et à filer la laine.
Ce récit permet au peintre de composer une image qui peut se lire à plusieurs niveaux de lecture, comme c’était souvent le cas à l’époque de la Renaissance. Il s’agit d’abord d’exploiter le pouvoir comique du renversement des rôles, Hercule, incarnation du héros virile par excellence, est ici presque ridiculisé, peint comme béat au milieu d’un groupe de femmes. Ensuite, le tableau décrit le pouvoir de l’amour qui plie tout sous son contrôle, même les caractères les plus forts comme celui d’un héros mythique, et renverse toutes les situations puisqu’Omphale qui a triomphé d’Hercule sera elle-même vaincu par l’amour en s’éprenant d’Hercule.
Cette dimension est explicite dans le quatrain en latin au-dessus du groupe : « Les jeunes filles de Lybie remettent à Hercule sa corvée quotidienne de la laine / le dieu tolère la domination de sa maîtresse. / La volupté damnable s’empare des forces incroyables / et le doux amour fait perdre leur force même aux caractères les plus trempés ».
L’important atelier de Lucas Cranach l’Ancien lui permit de produire au moins treize autres versions d’Hercule et Omphale, dont une étude préparatoire est conservée au Staatliche Museen de Berlin. L’artiste a pu être inspiré par une peinture de Jacopo de’ Barbari (1445-1516), peintre vénitien de la Renaissance, exposé au château de Wittenberg avant 1513.