990.1.1

L'Echanson ; Allégorie de la tempérance

17e siècle (1ère moitié)

Huile sur toile

Dimensions de l'objet : 118 x 98.3 x 5.8 Hauteur en cm : 102.5 Largeur en cm : 82.5 Hauteur avec cadre en cm : 118 Largeur avec cadre en cm : 98.3 Epaisseur en cm : 5.8

Jusqu'en 1989, cette oeuvre conservée dans une collection particulière est restée anonyme. Elle a été découverte et attribuée à Théodore Rombouts par M. Jacques Foucart, grâce à qui elle a pu être acquise par le musée de Tourcoing. Empruntant au caravagisme d'Utrecht son luminisme clair, sa mise en page (la figure en gros plan vus à mi-corps), la géométrie de sa composition, elle reste très proche de la sensibilité flamande par la robustesse de son style, la vivacité de sa touche et la subtilité de ses effets de matière et de couleur. On peut situer sa date d'exécution entre 1628 et 1632, en vertu de ses analogies stylistiques avec d'autres tableaux de Rombouts datant de la même période comme l'Arracheur de dents (Madrid, musée du Prado) ou l'Allégorie des cinq sens (Gand, Museum voor Schone Kunsten). L'interprétation de cette oeuvre n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Primitivement intitulée L'Echanson, elle représente en fait un homme fixant le spectateur avec un air de connivence amusée, et versant d'un geste très emphatique l'eau d'une aiguière dans un "roemer", verre conçu pour la dégustation des vins de Moselle. Rombouts a repris le geste ostentatoire de l'iconographie de l'allégorie de la Tempérance incarnée traditionnellement dans les anciens Pays-Bas par une femme. Il lui a associé l'interprétation plus littéraire de cette vertu que venait de proposer le poète Reomer Visscher, dans son recueil d'emblèmes Sinnepoppen (Amsterdam, 1614), où l'acte de couper du vin avec de l'eau illustre le sens de la modération, avec un dicton comparable à l'expression française "mettre de l'eau dans son vin". En remplaçant la figure féminine traditionnelle de la Tempérance par un homme prétextant ainsi nous présenter un simple échanson, Rombouts évite une allusion trop directe au contenu moral de l'oeuvre. Celui-ci ne se livre qu'au second degré, par une contorsion de l'esprit chère aux hommes du Nord du XVIIe siècle, ajoutant au plaisir esthétique de l'oeuvre, une délectation toute intellectuelle. Les échansons incitant discrètement à la tempérance ne sont pas rares dans les scènes de genre septentrionales du XVIIe siècle comportant de multiples personnages. Ils apparaissent de manière isolée en contrepoint du groupe principal où fourmillent musiciens, buveurs, fumeurs, femmes tentatrices et joueurs de cartes en proie à la dissipation que procurent les plaisirs du vin, du jeu et de l'amour. Il nous faut donc souligner l'originalité du présent tableau où l'échanson n'est plus un figurant au sein d'une vaste composition, mais une allégorie de la Tempérance, traitée pour elle-même, peut-être unique sous cette forme aux Pays-Bas à ce moment-là. S. R.

Collection privée, VILLANI Marius

Revue du Louvre, 1990 reprod, n° 5, p. 419 RAUX Sophie, "Une allégorie de la tempérance pp. 191-204, reprod. coul. p. 193 La Voix du Nord, Tourcoing, Le musée de poche, "Une allégorie de la tempérance", mardi 30 novembre 1993, reprod. ALLEMAND Evelyne-Dorothée, Dix ans d'acquisition pp. 264, reprod. coul. p. 264