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Figures de l’Empire

La cour que reconstruit Napoléon transforme son épopée en une saga familiale et militaire. Loin de s’être construit seul, Napoléon s’entoure de plusieurs cercles qui s’entrecroisent parfois.

Parmi les faits historiques qui expliquent l'accession de Napoléon Bonaparte au pouvoir, certains sont bien connus : son génie militaire, son sens stratégique des situations et sa vision politique qui lui permet d'imposer à la France des réformes décisives qui la structurent encore aujourd'hui.  Mais, on insiste moins sur les figures qui l'ont porté et accompagné vers les plus hautes fonctions car Bonaparte est loin de s’être construit seul. Qui visite Ajaccio et plus particulièrement la maison où il vit jour le 15 août 1769, est frappé par l'importance de sa famille. Dans la société ajaccienne, la famille est le cœur de la société insulaire. Napoléon Bonaparte s'est d’abord appuyé sur sa mère, Laetitia Ramolino, et sur ses frères et beaux-frères qui devinrent les rois des nations qu'il conquit. Il sut ensuite contracter des alliances profitables d’abord avec Joséphine de Beauharnais en 1796, proche des milieux financiers, puis avec la maison d'Autriche quand il épouse Marie-Louise après la victoire de Wagram den 1809. Ce second mariage est célébré par un autre fidèle : son oncle le cardinal Fesch, archevêque de Lyon. Au clan qui assure fidélité, secours et qui garantit, par alliance, la poursuite de la lignée, s'ajoutent les généraux, ces compagnons de batailles ayant gravi comme Bonaparte les échelons du commandement à une vitesse que facilitaient les temps troublés de la Révolution. Certains connurent des fortunes diverses au gré des aléas politiques, comme le général Dumas, victime de la reconquête des possessions françaises aux Antilles.

Napoléon Ier sut, enfin, réformer profondément le pays après des années révolutionnaires qui avaient esquissé de nouvelles structures sans parvenir à les pérenniser. Les préfets créés par la loi du 28 pluviôse an VIII sont les représentants de l'Etat dans les départements qui eux sont une création révolutionnaire. Hommes de confiance, Napoléon leur confie outre la représentation de l’autorité, la direction de l'administration et du conseil général. Ils sont aussi les premiers à renseigner le pouvoir central sur la situation départementale. En nommant Jacques Cambry pour diriger le département de l'Oise, Bonaparte choisit un homme capable de donner à cette entité composite une identité historique forte. Bacler d’Albe est une autre figure qui illustre cette volonté d’un gouvernement des meilleurs : général et compagnon fidèle, scientifique qui cartographie l'Italie, homme de culture et fondateur de la cartographie française moderne.


Le premier cercle : la famille

Portrait de Laetitia Ramolino.jpgAnonyme, Portrait de Laetitia Ramolino (1750-1836), n. d., huile sur toile, 69,5 x 56 cm, Senlis, musée d’art et d’histoire

Maria Letizia Bonaparte, née Maria-Letizia Ramolino (24 août 1750-2 février 1836), est la mère de Napoléon Ier et représente une figure majeure de la famille Bonaparte. D'origine italienne, réputée pour sa beauté, elle épouse Charles Bonaparte en 1764 à l'âge de quatorze ans. Elle partage souvent les périls de son mari dans la résistance des Corses à l'annexion par la France en mai 1768 et au cours de la guerre pour l’indépendance de l’île. Mère de treize enfants, veuve dès 1885, elle traversa  les grandes heures comme les heures sombres que connut la famille.

Ce portrait en buste qui la représente jeune contraste avec les représentations traditionnelles d'après l'antique exécutées après le sacre et peut être rapproché de celui exposé à la maison natale de Napoléon à Ajaccio. Laetitia Ramolino n'est pas encore « madame Mère », son titre officiel attribué par son fils en 1805, mais une jeune femme coquette au sourire mutin. La pose est proche de celle du portrait attribué à l'atelier Gérard conservé au musée Fesch d'Ajaccio dans lequel elle apparaît plus âgée, avec un collier de perles et des boucles d'oreilles qui ne traduisent pas sa parcimonie légendaire. Il s’agit ici d'un hommage postérieur exécuté peut-être au cours du Second Empire alors que se nourrit la légende familiale car à l'époque de ses années de jeunesse, le couple Bonaparte ne pouvait s'offrir les services d'un portraitiste de renom.

Second cercle : les alliances

Marie-Louise, Impératrice des Français.png

Giuseppe Naudin, Marie-Louise, Impératrice des Français (1791-1847), 1824, ivoire peint, 10,1 x 8,2 cm, Chantilly, musée Condé, Inv. OA 1688. Signé en rouge à droite : Naudin 1824, au revers, à l’encre : 298. Acquis en 1886, donation sous réserve d’usufruit d’Henri d’Orléans duc d’Aumale

Marie-Louise de Habsbourg (1791-1847) est archiduchesse d’Autriche et a été élevée dans l'exécration de celui qu'elle appelle « l'ogre corse » car ce dernier a, à plusieurs reprises, vaincu la maison des Habsbourg. Vainqueur de l’Autriche à Wagram en 1809, Napoléon Ier qui vient de divorcer de sa première épouse Joséphine de Beauharnais, exige la main de Marie-Louise ce qui lui est accordé. Le mariage a lieu en 1810 : Marie-Louise devient impératrice des Français jusqu’en 1815. En 1811, elle donne (enfin) naissance à un fils, Napoléon II, qui prend le titre de « roi de Rome » et le surnom de l’Aiglon.

Lors de la réalisation de cette miniature ovale sur ivoire, en 1824, par Naudin, artiste de Parme (1792-1872), Marie-Louise est  duchesse de Parme en vertu de l'acte final du Congrès de Vienne (9 juin 1815) et elle s’est remariée, depuis la mort de l’Empereur en 1821, au comte de Neipperg. Sa ceinture aux couleurs principales de la maison de Bourbon-Parme et le paysage montagneux à l’arrière-plan peuvent évoquer l’Emilie Romagne, ses nouveaux Etats. Cette miniature à usage privé appartenait à Marie-Clémentine de Habsbourg (1798-1881), princesse de Salerne et offre une représentation très éloignée des autres portraits connus exécutés par François Gérard ou par Jean-Baptiste Isabey.

Bibliographie : GARNIER-PELLE Nicole, LEMOINE-BOUCHARD Nathalie, PAPPE Bernd, Portraits des maisons royales et impériales de France et d’Europe. Les miniatures du musée Condé à Chantilly, Paris : Somogy éditions, 2007. Notes n .180

Troisième cercle : les fidèles

Portrait du Général Dumas

Olivier Pichat, Portrait équestre du Général Thomas-Alexandre Dumas, vers 1905, 217,5 x 212 cm, Villers-Cotterêts, musée Alexandre Dumas

Le général Thomas Alexandre Davy de la Pailletterie (1762-1806), connu sous le nom de général Dumas, est représenté ici en digne général en chef de la République française : il porte l’uniforme de général de division caractéristique (culotte blanche, habit en drap de laine bleu de roi à larges revers croisés et aux broderies de filés d’or, écharpe tricolore, bicorne à plume), brandissant son sabre et monté sur un cheval cabré et hennissant à l’instar de Napoléon franchissant les Alpes peint par Jacques-Louis David (1800). Connu pour sa bravoure et son charisme, ce mulâtre né esclave à Saint-Domingue a pu s’élever grâce à la Révolution française et être nommé en 1793 général de division ce qui fait de lui le premier général d’origine antillaise de l’armée française. Il fait la campagne de Belgique, la guerre de Vendée (1793-1796) et combat aux côtés de Bonaparte en Italie (1796-1797) et en Egypte (1798-1801),mais ne jouit guère de sa reconnaissance. En effet, son ascension a été brisée dès 1795 lorsque le général Bonaparte, pourtant sans commandement, parvient avant lui à mater l’insurrection royaliste. A partir de 1802, dans le contexte du maintien de l’esclavage à la suite de la paix d’Amiens, les idées républicaines de Dumas et sa couleur de peau sont en défaveur sous le consulat et Napoléon lui refuse toute récompense et toute pension de retraite. Dumas échappe à la déportation imposée aux militaires de couleur réformés grâce l’influence de ses anciens compagnons et s’établit, par dérogation, à Villers-Cotterêts où il meurt en 1806. Son fils, l’écrivain Alexandre Dumas (1802-1870), entreprend un long travail de réhabilitation dont témoigne ce portrait équestre tardif, datant probablement de 1905, dû à Olivier Pichat (1823-1912), peintre spécialisé dans les scènes militaires et équestres.


Le Général Bacler d_Albe

Godefroy Engelmann (1788-1839), Le Général Bacler d’Albe, lithographie, Saint-Pol-sur-Ternoise, musée Bruno Danvin

Le général Louis-Albert-Guislain Bacler d’Albe (1761-1824) est né à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais) et s’est illustré dans trois domaines : la cartographie, la stratégie militaire et la peinture de bataille.

Engagé volontaire pour défendre la République en 1793, Bacler d’Albe est l'un des plus anciens et fidèles compagnons de Bonaparte qui le cite plusieurs fois dans son testament rédigé à Sainte-Hélène en 1821. Artilleur comme lui au siège de Toulon en 1793, il est affecté à l’armée d’Italie entre 1794 et 1797 et en devient officier géographe et cartographe officiel en raison de ses talents artistiques. Il participe à la première campagne d’Italie sous les ordres de Bonaparte qui le choisit comme dessinateur et peintre afin de populariser ses victoires auprès des Français. Bacler d'Albe réalise à Milan, en l’An V (1797), l’un des premiers portraits de Napoléon Bonaparte.

Géographe, il est considéré comme l'un des meilleurs cartographes de son temps et reste célèbre pour avoir perfectionné la représentation du relief par jeux d'ombres et participé à la normalisation de la cartographie française en fixant des conventions toujours en usage (système métrique, altitudes par rapport au niveau de la mer, échelle des cartes, établissement du cadastre).

En tant que chef du Dépôt de la Guerre de la République cisalpine entre 1797 et 1799, Bacler d’Albe établit la première carte complète de toute l'Italie au 1:256 000 appelée Carte du théâtre des campagnes de Bonaparte en Italie (1797-1802). Par la suite, il devient chef des ingénieurs du Dépôt de la Guerre à Paris (ancêtre de l'actuel Institut géographique national) dans les années 1799-1804, puis Chef du bureau topographique de l'Empereur de 1804 à mars 1814. Il est le maître d’œuvre de la Carte de l'Empereur, réalisée en un seul exemplaire entre 1809 et 1812, qui est la première carte homogène de l'Europe (au 1:100 000) et sert à Napoléon dans sa conquête de l'Europe, jusqu’à sa destruction partielle pendant la retraite de Russie. Enfin, directeur du Dépôt de la Guerre en 1814-1815, Bacler d'Albe sauve à deux reprises les cuivres de la fameuse carte de Cassini, seule carte de France de l'époque, du pillage des armées "Alliés".

Appartenant au cercle intime de l’Empereur, son rôle ne se borne pas à la mise au point de cartes et à leur actualisation. Bacler d'Albe est considéré comme l’un des rares collaborateurs qui participe à la prise de décision stratégique de Napoléon qu’il accompagne partout en parvenant grâce à la cartographie à rendre le terrain de campagne concret, à planifier les marches et à calculer les tirs. Ce travail sans fin pour un maître exigeant lui vaut des honneurs : est promu colonel en 1807, puis général de brigade en 1813 et enfin baron d'Empire en 1810.

Artiste, Bacler d’Albe est un excellent peintre de bataille et de paysage et un graveur prolifique (surtout entre 1785 et  1793 puis après 1815) qui participe à forger le mythe de Bonaparte dans l’esprit des Français préparant ainsi l'accession au pouvoir de ce dernier. Il est considéré comme un rénovateur du genre des peintures de bataille appelé faire école car il parvient à concilier le souci de la précision et de la fidélité topographique avec le sens du détail humain en ne négligeant pas les actions des combattants. Bacler d'Albe peint notamment de grandes toiles (batailles d'Arcole, Rivoli, Lodi, passages du Pô dont celui à Plaisance) et, plus tard, la veillée d'Austerlitz (1805) et le bombardement de Vienne de 1809.

 

Myriam Boyer