Près de la moitié des pièces présentées sont des lettrines ou des pages découpées dans des livres. Ces dépeçages relèvent de pratiques anciennes. Dès le Moyen Âge, des manuscrits abîmés servent en remplois aux relieurs, tandis que d'autres, plus luxueux, sont divisés lors de successions. L’imprimerie, en rendant obsolètes nombre d'ouvrages médiévaux, amplifie dès le 16e siècle leur mise en vente, parfois au poids, ou leur transfert à des collectionneurs érudits.

Le découpage a pu alors relever d'une pratique pieuse, consistant à recycler des miniatures en images de dévotion isolées, parfois montées en petit tableau. Mais, ce passe-temps répondait aussi à d'autres goûts, pour l'alchimie peut-être, pour les antiquités certainement. Il est ainsi fort probable que les deux feuillets du Térence du duc de Guyenne et du duc de Berry ont été coupés pour quelque antiquaire intéressé par ces témoignages de l'histoire du costume.

Au début du 19e siècle, le marché de l'art reconnaît dans les enluminures les monuments d'un art perdu. Parallèlement, le dédain pour les textes anciens et les succès du marché accroissent les dépeçages jusque dans les plus belles bibliothèques. Ces collectionneurs rassemblent souvent leurs coupures dans des albums ou planches thématiques. Certains n'hésitent pas à créer des œuvres nouvelles en collant leurs coupures sur des abat-jours ou en encadrement de miroir. Plusieurs musées, héritiers de ces collections, les offrent à la consultation des chercheurs en quête d'identification ou de reconstitution des livres d'origines.