Les représentations de l’ « autre » découlent des explorations et des grandes découvertes. Ces images sont souvent tributaires d’une certaine vision (partielle ou idéalisée) de la société qui les a produites et qui se considère comme le modèle universel, attaché aux sources classiques. Au Moyen Âge, le sauvage apparaît dans l’imaginaire populaire, certainement inspiré par les faunes antiques. Son apparence physique est celle d’un homme dont le corps serait recouvert d’une épaisse toison à l’exception des pieds, des mains et du visage. Cette figure mythique vit dans les régions montagneuses et les forêts difficiles d’accès aux confins du monde. L’image de l’homme sauvage est essentiellement présente dans l’héraldique.

Les écrits de Michel Montaigne au XVIe siècle apportent une nouvelle vision de l’autre, celle du « bon sauvage ». Dans ses Essais, il décrit, au chapitre 31, ce personnage comme un avatar utopique de l’homme à l’état d’innocence et d’intégrité morale. Il vit libre et heureux, loin des conventions sociales et des tensions du monde civilisé, en complète harmonie avec la nature. C’est bien ainsi que le représentent les explorateurs des XVIIe et XVIIIe siècles, se consacrant à la cueillette, à la chasse, à la danse ou à la vie de famille, vivant en paix avec les animaux.

Au XIXe siècle, la curiosité pour le « sauvage » grandit. Les voyages d’exploration aboutissent à la réalisation de moulages sur nature. Sous le Second Empire, plusieurs missions en Afrique du nord sont entreprises afin de réaliser des bustes scientifiques pour la galerie anthropomorphe du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. De nombreux artistes, dont Jean-Baptiste Carpeaux, étudient les différents types ethnographiques et exécutent des bustes particulièrement réalistes, destinés à être vus isolément ou intégrés à de vastes compositions.

Dans le contexte de l’Europe coloniale et impérialiste, l’ampleur des collectes d’objets ethnographiques provenant des cinq continents, va progressivement révéler la diversité des modes de vie de ces peuples et changer la vision des Européens imprégnée d’exotisme littéraire qui nourrissait leur imagination. À la fin du XIXe siècle ces objets sont exposés dans les muséums d’histoire naturelle et les musées de provinces.