En 2020, le Musée Lansyer présente une nouvelle exposition permanente avec de nombreux tableaux restaurés et inédits. Nous vous proposons de la découvrir en avant-première de façon virtuelle.

À travers des groupes thématiques qui font la part belle aux œuvres, explorez les traits distinctifs de la peinture de Lansyer. Grâce à des textes simples et courts, appréhendez la démarche stylistique de l’artiste, ses choix et son souci permanent d’exprimer la nature par la peinture.

Cette exposition virtuelle a été réalisée avec le soutien technique de Valérie Maillochon, chargée de mission de l'association Musées en Centre-Val de Loire.

Un artiste déterminé

« Je ferai tout le possible et l’impossible pour devenir peintre », Autobiographie d’Emmanuel Lansyer, 1881, page 6.

Très jeune, Emmanuel Lansyer exprime le désir de devenir peintre. Son père s’y oppose et le place chez un percepteur pour apprendre un « vrai métier ». Le jeune Lansyer, qui s’y ennuie, passe ses journées à dessiner « Médor au coin du feu ».

Il obtient finalement le droit de faire des études d’architecture. À 21 ans, il part à Paris et s’inscrit dans l’atelier d’Eugène Viollet-le-Duc. Poursuivant son objectif personnel, il suit parallèlement des cours de dessin, doublant ses journées d’études.

 

1861 est une année décisive. L’atelier de Viollet-le-Duc ferme et Lansyer présente pour la première fois un dessin qui est accepté au Salon des Artistes français. Il prend alors la ferme décision d’être peintre. Son père le prive de toute ressource. Mais Lansyer est heureux de son choix, avec des peintres pour amis et pour seul mobilier son chevalet et une planche sur tréteaux. Il entre dans l’atelier de Gustave Courbet. Celui-ci ferme au bout de quelques mois, mais la rencontre avec Courbet marque le jeune Lansyer.

Lansyer rejoint ensuite un groupe de peintres paysagistes près de Cernay. Il rencontre Henri Harpignies, son nouveau maître. Il ose envoyer une peinture au Salon de 1863. Ce tableau est finalement présenté au Salon des Refusés où il reçoit une excellente critique. Lansyer entame alors sa carrière de peintre et commence à voyager. Dès lors, il est sans cesse en quête de nouveaux paysages à peindre.

Ayant rapidement construit son style, Lansyer est accepté au Salon des Artistes français et reçoit plusieurs médailles. Il travaille sans relâche et gère sa carrière, obtenant des commandes officielles, organisant des ventes aux enchères de ses propres œuvres. Il construit sa notoriété.

Les années 1880 couronnent ses efforts : décoré de la Légion d’honneur, membre du jury du Salon, Lansyer est un peintre officiel et reconnu.

En pleine nature

Dès l’enfance, Lansyer aime être au grand air et en pleine nature.

Dans ses œuvres, il représente fréquemment des personnages ou des maisons isolés au milieu de l’eau ou d’une verdure omniprésente.

Ces œuvres évoquent l’harmonie et la sérénité que l’artiste ressent.

Il les exprime aussi dans un poème intitulé L’École buissonnière (septembre 1886) :

Quand le coucou mêlait sa note printanière

Aux chants de tourterelle et de merles siffleurs,

Courant comme un cabri par la campagne en fleurs,

Je faisais, à dix ans, l’école buissonnière. […]

Les menthes, les iris et les reines de près,

L’aubépine, l’ajonc et les genêts dorés

Enivraient de parfums ma ferme rêverie. […]

Le paysage habité

Malgré leur étendue, les paysages de Lansyer sont familiers, car « habités ».

 

La présence de petits personnages ou d’animaux est rassurante. Lansyer ne représente pas une nature sauvage, mais plutôt des territoires domestiqués par l’homme.

Figurés avec force et précision, ces personnages de petites tailles, noyés dans le paysage, soulignent l’immensité de la nature.

 

Ponctués d’une touche colorée, ces détails attirent l’œil, apportant une perspective et une dynamique au paysage. Ils ont une place importante dans l’œuvre de Lansyer.

Le bateau fragile

Dans ses œuvres, Lansyer aborde la représentation du bateau de deux manières. Tantôt il l’évoque avec minutie, dans tous ses détails de cordages et de mâts. D’autres fois, le bateau constitue une masse imposante.

Dans certaines œuvres, le bateau apparaît bien vivant, toutes voiles dehors. Parfois, il est à cale pour être réparé, ou bien cassé et vieux. Enfin, il ressemble à un squelette abandonné dans l’eau. Chez Lansyer, le bateau devient donc un être vivant : fort un jour, le lendemain en ruine, représentant peu de chose face à la nature.

Le Lochois, un ancrage affectif

Lansyer est né en Vendée, mais il considère la Touraine comme une terre d’adoption. Sa mère est originaire de Loches et son oncle maternel y possède une maison.

Dès le début de sa carrière, Lansyer dessine et peint à Loches. Il se rend presque chaque année en Touraine, la plupart du temps à l’automne.

 

À partir des années 1880, il multiplie les séjours, car il a hérité de l’ancienne maison de son oncle, où sa mère réside. Il effectue de nombreuses vues architecturales de la région.

Selon la volonté de l’artiste, c’est cette maison qui accueille aujourd’hui le musée Lansyer.

A ciel ouvert

Lansyer représente souvent la plage à marée basse. Ce point de vue permet une grande ouverture du paysage dans ses œuvres.

Le ciel occupe pleinement les deux-tiers de la toile, sans superposition d’éléments de premier plan. La ligne d’horizon est très marquée, coupant nettement la toile en deux.

 

Ces plages sont, pour Lansyer, des lieux hautement mélancoliques. Le ciel chargé de nuages permet à l’artiste de façonner la lumière et de donner du relief à sa toile.

Les habitants

Lansyer a toujours démontré un grand intérêt pour la représentation des êtres vivants, quel que soit le lieu où il voyage.

 

Ses carnets de croquis sont remplis d’études réalisées sur le vif, avec des personnages souvent au travail. L’artiste observe et détaille leurs postures, les couleurs des vêtements. Il s’intéresse au monde rural, mais aussi à la bourgeoisie, notamment aux costumes des femmes.

 

Il s’inspire ensuite de ses croquis pour insérer de petits personnages dans ses tableaux. Leur posture est traduite avec précision en quelques coups de pinceau rapides et précis.

Du haut des côtes

En choisissant des points de vue depuis la côte, Lansyer prend de la hauteur et met de la perspective dans les paysages. Ce recul permet de souligner la forme de la baie, souvent en croissant. La mer est alors en arrière-plan, révélant le plateau au premier plan, puis à l’horizon, des terres cultivées.

 

Les personnages et les animaux apportent la vie au tableau. Ils sont aussi utilisés pour construire l’effet de distance et de perspective : un personnage proche, un autre un peu plus loin, plus petit, et bien souvent un troisième, minuscule, à l’horizon.

Sa majesté l'arbre

Le motif de l’arbre est traité en permanence par Lansyer. L’artiste représente des arbres dans toutes les régions qu’il parcourt. Il affectionne particulièrement les oliviers du sud de la France.

 

L’arbre est l’objet principal et central de l’œuvre, souvent trop grand pour entrer dans les limites de la peinture ou du dessin.

 

L’arbre devient un personnage central du tableau. Charnus ou frêles, les arbres choisis par Lansyer sont très souvent tortueux, marqués par le vent et par la vie.

Les deux géants, le chat et le nain

Les paysages rocheux fascinent Lansyer. Les roches granitiques de l’île d’Ouessant, au large de la Bretagne, nourrissent fortement son imaginaire.

 

Châteaux, forteresses, visages et animaux se profilent à la vue de ces rochers. Lansyer a même intitulé l‘une de ses toiles : Les deux géants, le chat et le nain. Il invite ainsi chaque spectateur à faire preuve d’imagination !

La mer solide

Lansyer met longtemps à s’approcher de la mer. Il l’apprivoise lentement, représente la côte, la plage, la marée basse puis la pleine mer.

 

Lorsque Lansyer s’approche de la mer, il choisit un cadrage serré, avec les vagues au premier plan.

 

L’artiste nous fait vivre une confrontation physique avec la nature. Sa technique est plus épaisse, il utilise le couteau à peindre plutôt que le pinceau, la mer devient presque solide.

 

Ces choix artistiques donnent au spectateur la sensation d’être transporté au cœur des éléments.

Cadrage et composition

Peindre un paysage, c’est choisir un morceau de nature. L’artiste effectue donc un cadrage, avec un point de vue et les limites d’un cadre.

 

Ainsi, Lansyer compose très souvent ses marines en donnant une place importante au ciel, qui s’impose horizontalement sur les deux-tiers supérieurs de la toile. Dans d’autres toiles, les rochers délimitent verticalement la composition en deux parties, gauche et droite.

 

Enfin, certains de ses cadrages sont plus insolites, comme la mer entraperçue depuis l’intérieur d’une grotte. Cet effet « trou de serrure » ou « porte ouverte » sur le paysage lui permet de délimiter le regard et d’encadrer la scène.