logo
Bourges (18)

Réseau des Musées de Bourges

Bandeau d'illustration de l'espace WM : Réseau des Musées de Bourges
Voir le plan du parcours

Les miracles de Saint Eloi

Le musée du Berry conserve un épi de faîtage attribué au potier bornois Jacques-Sébastien Talbot (1769 – 1841), représentant le miracle de Saint Eloi.
Cette œuvre a été donnée au musée par le Docteur Perrusault d'Henrichemont en 1883. Nous ne connaissons pas son lieu d'implantation d’origine.

Saint Eloi (588 ou 589 – 660), né dans le Limousin, a vécu a l’époque mérovingienne. Il était orfèvre et responsable de la monnaie royale sous trois règnes successifs, dont celui de Dagobert (comme nous le rappelle la chanson !). Il est également connu pour ses responsabilités ecclésiales : il a été nommé évêque de Noyon (Aisne) en 641 et a fondé plusieurs monastères en France.
Aujourd'hui, Saint Eloi est connu comme le saint patron des orfèvres et plus largement des ouvriers du métal. Les "bouquets de saint Eloi", assemblage complexe de fers à cheval, sont traditionnellement les chefs-d'œuvre des maréchaux-ferrants et signalent leurs ateliers.

Mais saint Eloi est également connu pour les miracles qui lui sont attribués. Le plus connu est repris ici par Jacques-Sébastien Talbot : Saint Eloi voulant ferrer un cheval récalcitrant lui aurait ôté la jambe avant de la lui replacer, une fois le travail achevé.
Le potier a représenté Eloi ceint d'un tablier de cuir et ferrant la jambe détachée, posée sur une enclume. Sa main droite, aujourd'hui manquante, tient une pince. A ses côtés, un personnage portant veste et gilet à double boutonnage maintient le cheval à trois jambes.
En arrière plan, le potier a poussé le détail jusqu'à représenter la forge et le soufflet.
Les proportions des différents éléments ne sont pas respectées (l'homme est beaucoup plus grand que son cheval !), ce qui confère une touche de naïveté à cette œuvre.

Cette légende était elle si populaire chez les travailleurs du métal qu'elle donnait lieu à des commandes répétées? Le fils de Jacques-Sébastien Talbot a-t-il voulu rendre hommage à son père?
Nous ne saurons jamais pourquoi François-Laurent Talbot (1801 – 1868), qui signe en inversant ses deux prénoms, a ainsi repris ce même motif. Un épi de faîtage aujourd'hui conservé dans une collection privée présente en effet la même organisation. Malgré son état lacunaire, nous reconnaissons la place de l'enclume et des deux personnages. Le soufflet et la forge sont quant à eux toujours en place.
Il était installé à la forge de Bréviande, dans la commune d'Ivoy-le-Pré (18), plaçant ainsi l’atelier sous la protection du saint patron des ouvriers du métal.
Le potier a gravé une longue inscription nous permettant de dater l'œuvre : "fait par moi / Laurent / françois Talbot / fils de jacque / Cebastien / Talbot alaborne / commune / dhanrichemont / 1833". Il a ainsi souhaité rappeler son ascendance prestigieuse dans le monde des potiers. C’est à partir de la mention de son père, que l’on peut également émettre l’hypothèse que le fils s’est inspiré du père et non l’inverse, en l’absence d’une date sur l’épi de faîtage de J.-S. Talbot.

Ainsi, deux générations de potiers se sont unies autour de l'évocation d'une légende populaire, au service des artisans du métal.


Texte initialement paru dans "La Lettre de La Borne", n°15.

Bibliographie : Légende dorée du Limousin : les saints de la Haute-Vienne, Cahiers du patrimoine, 36, Paris et Limoges, 1993.

Agnès Sinsoulier-Bigot

Vue de face.
Cliché Gérard Frat, Ville de Bourges
Epi de faîtage (1883.3.1) | Epi de faîtage (1883.3.1)