Hôtel Cabu, Musée d'histoire et d'archéologie
Savoir-faire, secrets et innovations
Bernard Perrot ne s’est pas contenté du savoir-faire et des secrets appris de sa famille d’Altare. Toute sa vie durant, il cherche à perfectionner son art, à innover et à le faire savoir.
Des verres à la façon de Venise
Tout en s’adaptant au goût français, moins surchargé, le maître de la verrerie d’Orléans s’inspire des verres vénitiens du XVIe siècle dont la virtuosité technique transformait l’objet utilitaire en œuvre d’art. Ses plus belles pièces rassemblent différentes techniques, incluant parfois des couleurs transparentes comme le rouge groseille, le bleu cobalt ou le turquoise. Des ensembles composites, comme des présentoirs à confiseries, associent des pièces soufflées dans des moules à des parties soufflées à la volée (au bout d’une canne) assemblées ensuite à chaud. Souvent viennent s’ajouter des étirements de verre entrelacés, repincés, faisant des petites boucles, et crantés. Des pétales de fleurs formant la coupelle des fruits sont gaufrés avec une pince. Tous ces effets augmentent les reflets et renforcent l’aspect précieux de l’objet.
Les secrets du maître-verrier
En 1668, Bernard Perrot obtient du roi des lettres patentes qui concernent deux secrets dont celui du verre rouge transparent dont on sait maintenant qu’il est réalisé en utilisant l’or associé à l’arsenic. Les verriers français avaient perdu cette recette depuis plus de 200 ans. Aussi, la nouvelle a-t-elle été largement diffusée sur le secret retrouvé du fameux rouge des anciens.
Le second secret concerne le riche émail. Ce terme recouvre les productions de verre travaillé à la chaleur d’une lampe à huile. Il crée des manches de couverts mais aussi des carreaux et des colonnes de cuivre, notamment pour la table destinée au mobilier de Louis XIV.
Le verre coulé en table et les portraits royaux
Perrot innove, invente, cherche sans cesse à améliorer son art. En 1687, il présente devant l’Académie des sciences sa technique de couler le verre en table. Sa démonstration lui permet d’obtenir du roi un nouveau privilège pour couler des glaces de grandes dimensions, ce qui constitue une avancée sensible et provoque la convoitise d’autres verreries. Perrot tire de son procédé une série de portraits sous forme de grands médaillons d’un verre épais proche du cristal par sa composition à forte teneur de plomb. Leur surface est plane et polie tandis qu’au revers, les figures sont moulées en creux. Sur les neuf médaillons connus, sept représentent le Roi-Soleil et deux le duc d’Orléans (un exemplaire est conservé au musée du Louvre).
Perrot néanmoins, est contraint d’abandonner cette découverte au profit de la Compagnie des glaces, qui perdure aujourd’hui sous le nom de Saint-Gobain, soutenue par Louis XIV. Ses outils et son stock de glaces coulées sont saisis en 1695, mettant un terme à la fabrication de glaces et des portraits à la gloire de la monarchie. Toutefois, cette saisie ne freine en rien le reste de son activité, d’autant plus que, dès 1696, il obtient en compensation une pension confortable.
Autres innovations
Ses créations de verre imitant des matières luxueuses, comme la porcelaine importée de Chine et les pierres semi-précieuses comme l’agate, sont attestées dès 1682. Largement commentées dans ses privilèges, mais surtout dans la revue du Mercure galant, l’imitation de la porcelaine et de l’agate, si belle qu’elle efface la nature, sont une des signatures de Perrot. Plusieurs aiguières en verre porcelané marbré de rouge en témoignent. Leur analyse montre qu’elles sont opacifiées par de l’arséniate de plomb et les marbrures rouges colorées par de l’or.
Il est vraisemblable que Perrot invente, en 1689, une nouvelle recette, cette fois à base de cuivre, pour obtenir du verre rouge. Ce nouveau rouge vient colorer des vitraux que la verrerie fournit au chantier de la cathédrale d’Orléans pour les deux roses du transept.