Cet exemple de la grande statuaire antique partage de nombreux points communs avec les chevaux de Saint-Marc de Venise et d’Herculanum par leurs attitude, taille et technique.

Un animal robuste
Le cheval de Neuvy-en-Sullias, parfois qualifié de lourd, traduit plutôt la morphologie des chevaux de cette période qui présentent des caractéristiques manifestement recherchées dans le domaine de l’élevage romain. Cette révolution romaine s’exprime de manière souvent assez spectaculaire dans les collections d’ossements issues de fouilles archéologiques.

Sans cavalier, ni selle, l’étalon est à l’arrêt ; il ne marche pas comme on a pu le lire parfois. L’encolure relevée, il couche ses oreilles, dilate ses naseaux, ouvre la bouche comme pour lancer un cri strident et remonte un antérieur prêt à frapper le sol de toute sa puissance. Le seul élément montrant qu’il s’agit d’un animal dressé est la présence d’un mors de bride à longues branches et de rênes tendues de part et d’autre de l’encolure. Les anneaux intermédiaires du mors de bride sont modernes, les plaques circulaires en argent décrites en 1861 ont disparu.

Le conservateur du XIXe siècle propose que le cheval ait été suspendu à certains moments et promené en grande pompe à d’autres. En effet, d’après le relevé de la plaque supérieure, l’aménagement du socle laisse supposer que le cheval de Neuvy-en-Sullias a pu connaître une longue période d’utilisation.

Technique de fabrication
Retrouvé intact, cet exceptionnel témoignage de l’art gallo-romain est un bronze coulé avec une maîtrise telle que seules les radiographies et un examen minutieux par endoscopie ont pu révéler pas moins de vingt sections assemblées par soudure au bronze liquide. Les analyses ont montré que la queue comme la crinière sont bien contemporaines de la fabrication du cheval et qu’il ne s’agit pas de parties remplacées.

Sous la crinière amovible, des traces de coulures sur le bord intérieur de l’encolure démontrent que la découpe du modèle en cire a été effectuée avec une lame chauffée. Pourquoi avoir modifié la crinière au cours de la fabrication de la statue ? On pense que la crinière grecque classique n’était pas au goût des commanditaires du cheval de Neuvy, et il a fallu la remplacer par un modèle d’obédience clairement romaine.

Un cheval offert au dieu celte Rudiobus
Sur la plaque de bronze fixée à l’avant du socle, la dédicace est de rédaction romaine. La traduction est : Consacré à Rudiobus, auguste ; la curie Cassiciate a fait ce don à ses frais ; Servius Esumagius Sacrovir, Servius Iomaglius Severus ont été chargés de l’exécuter.

Écrite entièrement en latin, l’inscription inclut des mots celtiques qui citent le dieu Rudiobus et deux Celtes devenus volontairement citoyens romains ainsi qu’un groupement celte désigné par un mot romain, curia. Cette offrande originale est faite par une communauté qui agit ouvertement dans un cadre institutionnel imposé par Rome, la cité. Les deux exécutants ont des noms choisis librement et le culte de ce dieu, dont l’identité nous échappe, est également célébré en toute liberté. On est loin de l’image de druides cachés pratiquant un culte plus ou moins secret, manifestant leur opposition à l’oppression de l’envahisseur. L’absence de rupture entre monde celte et monde romain, l’imbrication entre les cultures, l’évolution des individus, des institutions, des croyances, des pratiques, voilà ce dont témoigne l’inscription du cheval de Neuvy-en-Sullias.