Le succès national de cette production repose sur un réseau de diffusion très vaste, dont le maillage s'est étendu sur une bonne partie de la France de l'Ouest et du Nord, préfigurant l'organisation quasi industrielle qui sera celle d'Épinal au XIXe siècle. Orléans est véritablement le premier centre d'imagerie à avoir acquis une diffusion d'une telle importance, et la chose est unique au XVIIIe siècle.

L'imagerie populaire est diffusée par des colporteurs qui vendent les images au cours de leurs tournées dans les campagnes. Ce n'est sans doute pas un hasard si le plus fécond des imagiers d'Orléans, Jean-Baptiste Letourmy, actif de 1774 à 1800, est né à Brainville dans le diocèse de Coutances, dans une région d’où partent un nombre considérable de colporteurs sous l'Ancien Régime. De la même façon, le succès d'Épinal est dû aux colporteurs originaires du village de Chamagne en Lorraine, les chamagnons, qui s'approvisionnent à l'imagerie spinalienne avant de partir en tournée.

Appartenant à une famille d'imprimeurs-libraires, Letourmy a une activité très diversifiée : il publie des livres de colportage, de la dominoterie (il possède au moins 321 modèles différents, car une de ses planches porte ce numéro) et bien sûr des images.

Cette activité repose sur un solide réseau de diffusion : il a une centaine de dépositaires, répartis dans une soixantaine de villes. Il travaille aussi bien avec des imagiers parisiens comme Chéreau et Mondhare qui lui fournissent des tailles-douces qui servent de modèles à sa production, qu'avec Leblond à Avignon ou Castiaux à Lille. Il a des relais partout en France : deux de ses frères se sont installés comme libraires à Tours et à Blois. D'après René Saulnier, cette implantation familiale des Letourmy à Tours expliquerait l'absence d'imagerie populaire en Touraine.

Cependant cette remarquable diffusion repose essentiellement sur la personnalité de Jean-Baptiste Letourmy : son fils Jean-Baptiste lui succède à sa mort en 1800 mais cède peu après son fonds à Anne Boulard, une ancienne employée de son père et la firme Letourmy disparaît rapidement, ce qui prouve que le succès était dû à l'habileté commerciale et à l'organisation sans faille de Jean-Baptiste Letourmy.