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Tours (37)

Musée des Beaux-Arts de Tours

Bandeau d'illustration de l'espace WM : Musée des Beaux-Arts de Tours
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Glen Baxter et Camille Alaphilippe

Glen Baxter, Saturday Morning, lithographie, Collection FRAC Poitou-Charentes
Glen Baxter, Saturday Morning, lithographie, Collection FRAC Poitou-Charentes
Camille Alaphlippe, Caïn après la mort d’Abel, Tours, musée des Beaux-Arts
Camille Alaphlippe, Caïn après la mort d’Abel, Tours, musée des Beaux-Arts

Glen Baxter, né à Leeds en 1944
Saturday morning shopping, 1984
Lithographie, H. 86,5 ; L. 56 cm
Acquis en 1988
Collection FRAC Poitou-Charentes, n° inv. 988.3.3 

Camille Alaphilippe (Tours, 1874  – Algérie, après 1934)
Caïn après la mort d’Abel, 1898
Plâtre, H. 113 ; L. 71 ; P. 83 cm
Achat, 1899
Tours, musée des Beaux-Arts, n° inv. : 1899-1-1

 

 

Glen Baxter est un artiste britannique né en 1944 à Leeds, où il a fait ses études au College of Art. Influencées par le surréalisme et le dadaïsme, ses œuvres s’attaquent aux conventions, au « bon sens commun » et aux codes qui régissent notre quotidien, en recourant à l’absurde et au « non-sense ». Le trait, la saturation des couleurs et la mise en scène de figures stéréotypées apparentent ses planches aux illustrations pour enfants des années 1940. L’artiste ajoute à ses dessins des éclats de textes dont la typographie rappelle celle de la bande dessinée, mais dont le caractère elliptique et le décalage avec le sujet représenté amènent une sorte d’escamotage du récit, une rupture du sens immédiat de l’image. « J’ai toujours adoré, écrit Glen Baxter, ces accrocs dans la réalité, ces légers vertiges » (in Stéphane Jarno, « Les dadas du Colonel », Télérama n° 3077, 2009). 
Saturday Morning Shopping fait partie d’un ensemble de cinq lithographies créées en 1984. On y voit un homme assis dans un bateau au milieu de la jungle et dont la tête enfouie dans les bras traduit un profond désespoir. En bas de l’image, la légende « How he hated saturday morning shopping » (Combien il détestait les courses du samedi matin), en complet désaccord avec la situation, suscite le sourire, tant la cause du désespoir d’un homme perdu au milieu de la jungle paraît soudain aussi futile qu’absurde. 

L’expression de détresse représentée par Glen Baxter fait appel au même registre iconographique que Caïn après la mort d’Abel de Camille Alaphilippe. Ce sculpteur et céramiste né à Tours en 1874 et mort après 1934 s’inscrit à différents égards dans la mouvance de l’Art Nouveau. Après des études à l’école des beaux-arts de sa ville natale puis à Paris, il remporte le prix de Rome en 1898, précisément avec cette sculpture. Inspirée par un célèbre passage de la Bible, elle représente la malédiction de Caïn, condamné par Dieu à errer sur Terre pour expier l’assassinat de son frère Abel. C’est le symbole de la première pulsion violente de l’homme, Caïn incarnant à la fois la colère et la culpabilité qui en résulte. La posture représentée par la sculpture de Camille Alaphilippe traduit la profonde détresse du personnage, immédiatement et universellement compréhensible : la tête est cachée, agrippée par les mains. 

Si cet écho formel crée une résonance entre les deux œuvres, les émotions qu’elles engendrent chez le spectateur sont en revanche très différentes. Alors que la sculpture de Camille Alaphilippe est à prendre au premier degré, l’œuvre de Glen Baxter joue sur le second. Le désespoir et la honte représentés par la sculpture de Caïn peuvent susciter une certaine empathie, tandis que l’écart entre le texte et l’image chez Glen Baxter, ressort de la caricature et de l’absurde, provoque rire et amusement. Ce passage du premier au second degré, de l’œuvre de Camille Alaphilippe à celle de Glen Baxter, peut évoquer cet aphorisme de Nietzsche : « L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire ».

Julie Mottais