logo
Tours (37)

Musée des Beaux-Arts de Tours

Bandeau d'illustration de l'espace WM : Musée des Beaux-Arts de Tours
Voir le plan du parcours

Erwan Venn et Emile Signol

Erwan Venn, Village des Damnés 02, collection FRAC Poitou-Charentes
Erwan Venn, Village des Damnés 02, collection FRAC Poitou-Charentes
Émile Signol, Folie de la fiancée de Lammermoor, Tours, musée des Beaux-Arts
Émile Signol, Folie de la fiancée de Lammermoor, Tours, musée des Beaux-Arts

Erwan Venn, né en 1967, réside à Châtellerault
Village des Damnés 02, 2010
Crayon graphite sur papier aquarelle, H. 38 ; L. 56 cm
Acquis auprès de l’artiste, 2012
Collection FRAC Poitou-Charentes, n° inv. 012.8.1

Émile Signol (Paris, 1804 – Montmorency, 1892)
Folie de la fiancée de Lammermoor, 1850
Huile sur toile; H. 116 ; L. 111 cm
Don de Nanine Robert-Signol, 1912
Tours, musées des Beaux-Arts, n° inv. 912-3-2

 

 

Erwan Venn, né en 1967, vit à Châtellerault. Son travail est fortement marqué par l’histoire de sa famille sous l’Occupation. Il cherche à saisir, au travers d’éléments contextuels et de souvenirs familiaux, ce que pouvait être la vie à cette époque. Dessinateur, il réalise surtout des séries où il interroge le réel en puisant ses références dans la culture populaire afin d’illustrer « la fragilité de l’être et l’enfance comme un état d’esprit sans cesse écorné par le temps qui passe ». 
Le Village des damnés est un ensemble d’images d’enfants, réalisé à partir de l’adaptation filmographique de 1960 par Wolf Rilla du roman de John Wyndham, Les Coucous de Midwich. L’histoire est celle de plusieurs enfants nés de grossesses mystérieuses et soudaines, dotés d’une apparence physique et de capacités mentales extraordinaires. Tous identiques, blonds aux yeux translucides, ils sont également à l’origine d’une série de meurtres réalisés grâce à une sorte de pouvoir télépathique. Erwan Venn traduit leur inhumanité en leur donnant un regard dépourvu de toute empathie. L'expression de la fillette du Village des damnés 02 perturbe le spectateur par sa froideur, inhabituelle sur un visage d'enfant. 

La fixité de son regard n’est pas sans rappeler l’égarement qu’évoque Folie de la fiancée de Lamermoor d’Émile Signol (1804-1892). Élève de Blondel et de Gros, prix de Rome en 1830, ce peintre académique privilégie les sujets religieux mais il choisit ici un thème tiré du roman de Walter Scott, La Fiancée de Lamermoor. Dans ce chef-d’œuvre romantique, le personnage principal, Lucy, tue son époux le jour de leurs noces afin d’échapper à un mariage auquel on l’a contrainte. Émile Signol peint la jeune fille le matin qui suit le meurtre, prostrée et recroquevillée près d’une cheminée, le regard fixe, en proie au désespoir et à la folie. 

Dans ces deux images, l’apparente innocence des personnages tranche avec l’horreur des meurtres commis. La robe blanche de Lucy se détache sur le fond sombre de la cheminée, tandis que les fins traits de crayon qui dessinent le portrait de l’enfant accentuent l’aspect translucide de ses cheveux et de ses yeux, soulignant ainsi son étrangeté. Ces œuvres se font écho, illustrant deux visages différents de la folie, deux visions d'angoisse propres à leur temps. La jeune fiancée qui sombre dans le meurtre, désespérée de n’avoir aucune emprise sur son propre destin, est caractéristique d’une époque où le romantisme exalte les passions de l’âme. Les enfants du Village des damnés, dont l'apparence renvoie aux images de jeunes gens fanatisés par les idéologies totalitaires, illustrent une vision typique du contexte de la Guerre Froide. Ces deux œuvres interrogent des représentations inquiétantes, dangereuses, du réel ; même si les codes liés à ces contextes ont changé avec eux, l’écho en demeure à travers la mémoire historique et la littérature ou le cinéma qui les ont inspirés.

Coralie Varlet