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Tours (37)

Musée des Beaux-Arts de Tours

Bandeau d'illustration de l'espace WM : Musée des Beaux-Arts de Tours
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Myriam Mihindou et Michel-Ange Houasse

Myriam Mihindou, Déchoucaj' 6 bis, collection FRAC Poitou-Charentes
Myriam Mihindou, Déchoucaj' 6 bis, collection FRAC Poitou-Charentes
Michel-Ange Houasse, Hercule jetant Lycas dans la mer, Tours, musées des Beaux-Arts
Michel-Ange Houasse, Hercule jetant Lycas dans la mer, Tours, musées des Beaux-Arts

Myriam Mihindou, née en 1964 à Libreville, Gabon
Déchoucaj' 6 bis, issue de la série La Chute, Haïti, 2004-2006
Photographie numérique, tirage argentique contrecollé sur Dibond, ed 1/3 + 1EA
H. 100 ; L. 75 cm
Acquis auprès de la galerie Maïa Muller, Paris, 2016
Collection FRAC Poitou-Charentes, n° inv. 016.22.1

Michel-Ange Houasse (Paris, 1680 – Arpajon, 1730)
Hercule jetant Lycas dans la mer, 1707
Huile sur toile, H. 199 ; L. 162 cm
Envoi de l’Etat, 1820
Tours, musées des Beaux-Arts, n° inv. : 1825-1-16

 

 

Artiste franco-gabonaise, née à Libreville en 1964, Myriam Mihindou crée des œuvres inspirées de son vécu, dans une volonté d’engagement culturel et social. Elle s’intéresse aux formes du langage et pratique la photographie, la vidéo, la sculpture et la performance. 
Déchoucaj’ 6 bis est issu d’une série de photographies, réalisée en 2004 à Haïti et intitulée La Chute. Le mot créole « déchoucaj » (plusieurs orthographes possibles) est à l’origine un terme de botanique qui signifie « arrachage par la racine » ou « extirpation » ; il désigne aujourd’hui la révolte du peuple haïtien contre son gouvernement. C’est lors du renversement du président Aristide que Myriam Mihindou rencontre à Port-au-Prince une troupe de comédiens. Témoins de scènes violentes, ceux-ci improvisent avec elle une séance de purification rituelle et silencieuse, destinée à libérer leurs corps et leurs âmes des traumatismes vus et vécus. Ces photographies de corps agités, en torsion, que l’artiste prend spontanément dans la pénombre, lui semblent a priori inexploitables. C’est seulement deux ans plus tard qu’elle leur fait subir un passage du positif au négatif et de la couleur au noir et blanc, découvrant alors dans ces images un potentiel inattendu. Leur caractère fantomatique s’accorde parfaitement avec ses souvenirs des événements politiques et des pratiques vaudoues qui les accompagnèrent. 

Cette violence physique se retrouve dans le tableau de Michel-Ange Houasse (1680 - 1730), Hercule jetant Lycas dans la mer, peint en 1707 comme morceau de réception à l’Académie royale des Beaux-Arts. Croyant à la trahison de son valet Lycas, Hercule le jette dans la mer Eubée. Contrairement à la version du poète latin Ovide, où le héros fait tournoyer Lycas en l’air en le tenant par le bras, il l’agrippe ici par la taille. Le peintre a pris le parti d’une figure serpentine pour composer le groupe central formé de deux personnages à la puissante musculature. 

Ce corps à corps justifie un premier écho formel avec l’œuvre de Myriam Mihindou : le traitement des yeux et de la bouche d’Hercule, ainsi que la torsion du corps de Lycas, rappellent ceux du sujet de la photographie. De plus, un jeu de clair-obscur anime ces deux compositions, mettant en valeur leur centre et laissant dans l’ombre des figures fantomatiques, la peau du lion de Némée et un satyre chez Houasse, des pieds chez Myriam Mihindou. Les contextes narratifs de ces œuvres se répondent également : dans les deux cas, les sujets ont été témoins ou responsables de crimes. Par la mise en scène de corps déchaînés, ces œuvres représentent la libération des traumatismes résultant de ces actes : la furie de l’un s’assimile à la transe de l’autre.

Anouk Marbotte