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Tours (37)

Musée des Beaux-Arts de Tours

Bandeau d'illustration de l'espace WM : Musée des Beaux-Arts de Tours
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Marie Fagué et Edouard Debat-Ponsan

Marie Fagué, Le Gant de la Main droite, été 86, collection Frac Poitou-Charentes
Marie Fagué, Le Gant de la Main droite, été 86, collection Frac Poitou-Charentes
Edouard Debat-Ponsan, Madame Debat-Ponsan sur la terrasse, Tours, musée des Beaux-Arts
Edouard Debat-Ponsan, Madame Debat-Ponsan sur la terrasse, Tours, musée des Beaux-Arts

Marie Fagué, née à Salon-de-Vergt (Dordogne) en 1960
Le Gant de la Main droite, été 86, 1986
Photographie argentique , H. 39,5 ; L. 27,1 cm
Acquis auprès de l’artiste, 1987
Collection FRAC Poitou-Charentes, n° inv. 987.1.2

Edouard Debat-Ponsan
(Toulouse,1847 - Paris, 1913 )
Madame Debat-Ponsan sur la terrasse à Nazelles, 1906
Huile sur toile, H. 50 ; L. 65 cm
Don de Simone Morizet, 1981
Tours, musée des Beaux-Arts, n° inv. : 1981-1-7

 

 

Marie Fagué, née en 1960 en Dordogne, est diplômée de l’école des Beaux-Arts d’Angoulême. Artiste peintre, elle a également pratiqué la photographie argentique en noir et blanc pendant une dizaine d’années. Quel que soit le médium, son thème de prédilection reste inchangé : elle donne à voir des intérieurs où les objets et l’aménagement racontent une histoire à chaque fois différente, une mémoire. Le Gant de la Main Droite, Eté 86, est issu de la série Poussière du temps, dans laquelle l’artiste dresse le portrait d’une France rurale, ancrée dans un passé qui semble sur le point de disparaître. L’appareil photographique lui sert à figer ce qu’elle ne pourra pas garder en mémoire. L’artiste pose un regard sensible et discret sur les intérieurs qu’elle visite, rencontre les habitants, s’immisce dans leur intimité et révèle une petite part secrète de la vie dans la campagne charentaise, où elle a grandi. Elle se concentre parfois sur un détail, un objet posé en arrière-plan, comme ici un gant qui accroche un rayon de lumière. Ses photographies suscitent ainsi la nostalgie et les souvenirs d’un monde ancien, dont parle d’une autre manière Edouard Debat-Ponsan. 

Peintre français de la fin du XIXème siècle, Edouard Debat-Ponsan (1847-1913) s’est formé à Toulouse puis à Paris, où il fut élève de Cabanel, grand peintre académique du Second Empire. Il est particulièrement célèbre pour ses portraits et ses scènes de la vie rurale. Son épouse, Marguerite Garnier, fut l’un de ses principaux modèles. Installé en Touraine, à Nazelles, en 1900, il découvre les paysages ligériens où les couleurs et la lumière transforment profondément sa peinture qui se libère de l’académisme. Madame Debat-Ponsan sur la terrasse à Nazelles illustre l’intimité familiale de l’artiste. Vêtue d’une robe d’été, allongée sur un fauteuil de jardin, son épouse apparaît perdue dans ses pensées, et l’œuvre semble avoir été réalisée à son insu. À l’arrière-plan, le massif verdoyant, où les tâches rouges évoquent des fleurs, donne au peintre l’occasion d’afficher sa maîtrise des couleurs et de la lumière, traitées de façon quasi impressionniste. À l’inverse, le visage et les mains de Marguerite sont représentés de façon beaucoup plus détaillée et réaliste. 

La photographie de Marie Fagué et la toile d’Edouard Debat-Ponsan se font écho d’un point de vue formel, car la position des deux femmes est similaire : elles sont assises dans un fauteuil tourné vers la droite, le bras droit reposant sur un accoudoir ou sur la jambe, la main gauche près du visage. Leur expression, chacune plongée dans ses pensées, est également proche. Cependant, ni leur âge ni leur statut social ne sont identiques. Madame Debat-Ponsan est une jeune bourgeoise vêtue avec élégance, qui profite d’un cadre de vie très agréable, rendu par des couleurs d’une grande douceur. Au contraire, Marie Fagué photographie une femme âgée dans sa maison. Le dossier de chaise au premier plan maintient le spectateur un peu à distance, l’incitant à prêter attention à la modestie de l’intérieur rustique, et notamment au gant de ménage suspendu au linteau de la cheminée.
Au-delà des nombreux points communs qu’entretiennent ces images, la démarche des artistes est donc nettement différente. Pourtant, rapprochées l’une de l’autre, les deux œuvres témoignent ensemble du temps qui passe : la jeune Madame Debat-Ponsan sur sa terrasse deviendra, d’une certaine façon, la femme âgée de la photographie de Marie Fagué, tout comme la peinture à l’huile cède peu à peu la place à la photographie. Alors qu’Edouard Debat-Ponsan représente son épouse, Marie Fagué photographie une anonyme, cherchant à capter un instant et un lieu, plutôt qu’à faire le portrait d’une personne en particulier. Et, comme un écho inversé de la photographie, prise à l’insu du sujet, la toile de Debat-Ponsan veut donner l’impression d’un instantané, mis au point sur la dormeuse et destiné à faire oublier qu’il s’agit en réalité d’une scène posée.

Chloé Lissonnet