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Cambrai à l'heure allemande

Adolphe Bourgoin (d'après François Xavier Winterhalter), Portrait de l'impératrice Eugénie, 1868, huile sur toile, 241x157 cm. ©Hugo Maertens, Bruges
 
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Adolphe Bourgoin (d'après François Xavier Winterhalter), Portrait de l'impératrice Eugénie, 1868, huile sur toile, 241x157 cm. ©Hugo Maertens, Bruges

Depuis sa création en 1847, le musée des Beaux-arts de Cambrai a connu de nombreux déménagements.

En 1914, lorsque la guerre éclate, il est installé depuis 19 ans dans l’hôtel de Francqueville, ensemble architectural construit au début du XVIIIe siècle. La collection Beaux-arts issue des saisies révolutionnaires ne cesse de s’enrichir mais cette croissance est stoppée brutalement par la guerre qui ravage Cambrai.

Au début du Second Empire, la renommée du peintre allemand Franz Xaver Winterhalter est suffisamment importante pour que Napoléon III lui commande son effigie et celle de son épouse, Eugénie. Ces deux portraits, disparus lors de l’incendie du Palais des Tuileries en 1871, sont aujourd’hui connus par les nombreuses copies commandées par l’État. C’est l’une de ces 400 versions qu’achète Cambrai en 1868, deux ans avant la chute de l’Empire.

Aujourd’hui entreposé dans les réserves du musée, le Portrait d’Eugénie présente deux trous sur le côté droit… 

 

 Octobre 1914             

Après Lille, Maubeuge et Douai, Cambrai est envahie par l’armée allemande. L’occupant met en place une administration dans un bureau réquisitionné, une Kommandantur, comme dans chaque ville conquise.

Emile Mussault, conservateur du musée, s’active pour sauver comme il le peut le patrimoine de la ville, ainsi l’exceptionnelle Mise au Tombeau de Rubens qui se trouve dans l’église Saint-Géry. Cette toile est menacée à la fois par la bataille et par la convoitise d’éventuels pilleurs. Elle est enroulée sur un cylindre en bois et entreposée dans les caves du musée. Le conservateur sélectionne les œuvres à protéger le plus rapidement possible, craignant que les troupes allemandes ne se servent dans les collections, mais le Portrait d’Eugénie ne fait pas partie de la sélection.


Pierre Paul Rubens (1577-1640), Le Christ mis au tombeau,
vers 1616, huile sur toile, 398 x 280 cm, Cambrai, église
Saint-Géry © Ministère de la Culture (France),
Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (objets mobiliers),
tous droits réservés.

 

 Début 1916                  

Cambrai est sous administration allemande depuis deux ans, Emile Mussault fait partie des rares Cambrésiens à être restés dans la ville occupée. Le musée est fermé au public : seuls les soldats allemands peuvent y avoir accès. Mussault visite régulièrement les lieux par peur d’éventuels vols.

 Fin 1916                      

Les autorités allemandes envoient des Kunstoffiziere dans les musées de la région pour coordonner le sauvetage de tout objet d’art se trouvant en territoire occupé. Cette politique, appelée le Kunstschutz, existe déjà en Belgique depuis le début de la guerre. Elle est mise en œuvre en France sous l’impulsion de Wilhelm von Bode, directeur général des musées d’État de Berlin. Le musée de Cambrai est toujours dirigé par Emile Mussault mais celui-ci est gravement malade.

Pour les Allemands, le travail exécuté depuis deux ans n’est pas suffisant : le musée doit être un « asile » sûr pour toutes les collections, publiques ou privées. À l’heure où la ville et ses environs sont soumis aux bombardements britanniques, l’occupant espère pouvoir regrouper dans un endroit unique les œuvres et les objets conservés dans les églises, châteaux et demeures alentours afin de les protéger de tout éventuel assaut.

 Mars - avril 1917          

Les caves du musée ne sont plus assez sûres : les Britanniques avancent et les bombardements sont plus fréquents. En accord avec la politique du Kunstschutz et, malgré les protestations de la Mairie, les collections sont envoyées au musée des Beaux-arts de Valenciennes, devenu centre de dépôt régional des œuvres menacées. Toutes ne pourront pas être emmenées : il faut choisir les plus précieuses. Fin avril, Hermann Burg réceptionne à Valenciennes 113 caisses provenant de Cambrai, rapidement rejointes par des milliers d’autres regroupant des collections publiques et privées du Nord de la France occupée. Quelques mois plus tard, en décembre, les attaques gagnant en intensité, de nouveaux convois partent vers Valenciennes.

 Mars 1918                   

 

Anonyme, Photographie représentant le musée des Beaux-arts de Cambrai sévèrement touché par une bombe en mars 1918,
fonds documentaire du musée des Beaux-arts de Cambrai.

Une bombe a touché le musée alors que le Portrait d’Eugénie se trouve encore en place parmi d’autres œuvres jugées mineures et des cadres vides qui n’ont pas été évacués.

 Mai 1918                 

Une sélection d’œuvres issues des caisses emmenées au musée de Valenciennes fait partie de l’exposition Geborgene Kunstwerke aus dem besetzten Nordfrankreich (Œuvres d’art protégées provenant du Nord de la France occupée) à côté d’autres provenant des collections de Lille, Douai, Laon et La Fère. Le reste est préservé dans les caves de ce musée qui présente tous les avantages d’un bâtiment moderne puisqu’il a été inauguré avant guerre, en 1909.


Septembre 1918 - à Cambrai

Les soldats allemands font tout leur possible pour ralentir l’avancée alliée dans la ville.

Les collections restées sur place sont touchées par les balles, les explosions et les intempéries car la toiture du musée est complètement détruite. C’est très certainement à ce moment que le Portrait d’Eugénie est touché par deux balles perdues.

Le musée ne fait pas partie des bâtiments incendiés par les Allemands avant leur départ mais la ville est durement touchée comme en témoigne le peintre cambrésien Georges Maroniez dans une touchante série de paysages. (cf en bas de page)►


Carte postale éditée par Méresse, Cambrai pendant l’incendie –
La Choque et Place au Bois, 1918, collection privée, source : Wikimedia Commons.

 Septembre - Novembre 1918

Les caisses contenant les œuvres de Cambrai quittent Valenciennes avec les membres du Kunstschutz et des responsables français. Une véritable odyssée débute pour rejoindre Bruxelles en péniche. Les aléas du voyage et l’ambiance chaotique mettent les œuvres à rude épreuve. Les convois sont déchargés à Bruxelles et les œuvres de Cambrai sont entreposées au Musée Moderne de Bruxelles (aujourd’hui Musées royaux des Beaux-arts). L’Armistice est signée et aucune d’entre-elles ne peut plus servir de monnaie d’échange dans les négociations.


Photographie des œuvres provenant de Lille, Douai, Cambrai, Laon et La Fère
entreposées au Musée d’art moderne de Bruxelles, 1918
©Institut Royal du Patrimoine artistique, Bruxelles.

 Mai 1919                      

Les œuvres évacuées à Bruxelles retournent à Cambrai et retrouvent les œuvres rescapées qui sont dans un état pitoyable, soit à cause de la bataille, soit, le plus souvent, à cause des intempéries. La Mise au tombeau de Rubens retourne dans l’église Saint-Géry un peu plus tard : elle est restée à Bruxelles pour y être restaurée. Le Portrait d’Eugénie ne sera pas restauré : les deux impacts de balles restent comme une cicatrice de guerre.

 Mars 1920                    

Une commission est chargée par la Mairie de constater les pertes du musée en vue de sa reconstruction : 73 peintures et 8 sculptures sont détruites, sans compter les nombreuses œuvres endommagées sur place ou pendant le voyage à Bruxelles.

 15 août 1924                

Après deux ans de travaux, le musée rouvre mais, comme le souligne le conservateur Georges Leboyer, un peu amer : « ce n’est plus le musée vaste et somptueux d’avant-guerre […], les collections les plus belles ont été décimées ou mutilées ». L’État choisit de déposer deux œuvres de Jean-Baptiste Carpeaux, Pêcheur napolitain et Jeune fille à la coquille, premiers d’une série de dépôts destinés à compenser une partie des pertes.


Jean-Baptiste Carpeaux, Jeune fille à la coquille, 1863 ;
Pêcheur napolitain, 1858 ; bronze, dépôts de l’État au
musée des Beaux-arts de Cambrai en 1923.
 

Texte : Daniel Bonifacio, Alexandre Holin 

Relecture : Célia Fleury, Christina Kott, Anne Labourdette
Nos remerciements s’adressent particulièrement à Tiphaine Hébert et Claire Dequiedt, attachée et assistante de conservation au musée des Beaux-arts de Cambrai.

Bibliographie :

- Sauve qui veut. Des archéologues et des musées mobilisés, 1914-1918, Douai, musée de la Chartreuse - Bavay, musée archéologique du département du Nord, 2014

- Claire Dequiedt, « Les affres de la Première Guerre mondiale », Heurs et Malheurs du Musée de Cambrai, 6 octobre 2012 - 20 janvier 2013, Édition du Musée de Cambrai, pp. 17-25.

- Christina Kott, Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupée, 1914-1918, P.I.E Peter Lang, Bruxelles, 2006, particulièrement « Le Kunstschutz en France : entre réquisition, mise à l’abri, exposition et recherche », pp. 203-373

- Françoise Magny, Le musée de Cambrai, Musées et Monuments de France – Fondation Paribas, 1997.

 

ACMNPDC

Adolphe Bourgoin (d'après François Xavier Winterhalter), Portrait de l'impératrice Eugénie, 1868, huile sur toile, 241x157 cm. ©Hugo Maertens, Bruges
portrait en pied, Portrait de l'impératrice Eugénie | portrait en pied, Portrait de l'impératrice Eugénie
Cambrai en 1919: pâté de maisons
Cambrai en 1919: pâté de maisons | Cambrai en 1919: pâté de maisons
Rue de la Prison
Rue de la Prison | Rue de la Prison
Cambrai en 1919 rue des Clefs et rue des Ratelots
Cambrai en 1919 rue des Clefs et rue des Ratelots | Cambrai en 1919 rue des Clefs et rue des Ratelots
Petite rue Saint-Martin
Petite rue Saint-Martin | Petite rue Saint-Martin
Rue de la Prison
Rue de la Prison | Rue de la Prison
Cambrai en 1919 La Cathédrale de la rue du Grand Séminaire
Cambrai en 1919 La Cathédrale de la rue du Grand Séminaire | Cambrai en 1919 La Cathédrale de la rue du Grand Séminaire
Le Beffroi et le pâté de maisons rue de Noyon et rue de l'aiguille
Le Beffroi et le pâté de maisons rue de Noyon et rue de l'aiguille | Le Beffroi et le pâté de maisons rue de Noyon et rue de l'aiguille
Cambrai en 1919 rue des Cordiers
Cambrai en 1919 rue des Cordiers | Cambrai en 1919 rue des Cordiers
Cambrai en 1919 rue des Liniers
Cambrai en 1919 rue des Liniers | Cambrai en 1919 rue des Liniers
Cambrai en 1919 Saint-Géry vu du Rang
Cambrai en 1919 Saint-Géry vu du Rang | Cambrai en 1919 Saint-Géry vu du Rang
Après la délivrance de Cambrai en 1918
Après la délivrance de Cambrai en 1918 | Après la délivrance de Cambrai en 1918