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Vues du Nord

De l’indépendance communale symbolisée par le beffroi à la crise industrielle, le Nord de la France et l’actuelle Belgique n’ont cessé d’offrir des paysages atypiques dans lesquels tours de pierre puis d’acier cassent des horizons infinis. Le Nord offre également une lumière aux nuances multiples. Ses infinies variations ont nourri la palette des artistes qui y sont nés, qui y ont vécu ou qui l’ont simplement traversé.

Liesses populaires

La ville flamande telle qu’elle est représentée par les peintres au 16e et 17e siècle est intrinsèquement liée à des moments de fêtes ou de liesse populaire.  La Procession de chars sur la Place du Meir d’Erasmus de Bie (1629-1675) représente la fête religieuse de l’Ommegang qui avait lieu à Anvers tous les 15 août en l’honneur de la Vierge Marie, patronne de la ville. La cité flamande y est reconnaissable par des éléments caractéristiques qui sont devenus des emblèmes : pignons à redans, place pavée, église. Le géant Druon Antigone, que l’on aperçoit à l’arrière-plan à gauche, ressemble à ceux qui sont sortis, encore aujourd’hui, dans les villes du Nord de la France lors du carnaval. L’œuvre d’Erasmus De Brie nous donne à voir que la fête flamande est un moment syncrétique où se mêlent en bonne harmonie ferveur chrétienne et rituel païen.

En haut du beffroi

Plus d’un siècle après Erasmus de Bie, le peintre lillois Louis Watteau (1731-1798) poursuit la tradition picturale de la ville festive en représentant Douai au moment des fêtes données en l’honneur de Gayant, géant mythique de la cité. La composition de Watteau est dominée par le beffroi, demeure symbolique de Gayant et de sa famille.

Plus que tout autre symbole, le beffroi est un élément architectural constitutif du paysage flamand. Installé dans la cité telle une sentinelle de pierre, sa verticalité anime la monotonie du « plat pays » tout en portant le témoignage de libertés communales parfois chèrement acquises. Symbole politique, édifice remarquable et résultat de prouesses techniques, le beffroi est un marqueur identitaire fort qui a suscité l’admiration des habitants de la région mais aussi celle des visiteurs de passage.

Impressionné par la beauté du beffroi d’Arras, l’artiste britannique Thomas Shotter Boys (1803-1874) le dépeint en accentuant son caractère majestueux : plaçant l’édifice à l’extrémité d’une rue en perspective, il en accentue la hauteur par un cadrage serré et une vue en contre-plongée. Perdu dans les nuages, l’ancestrale tour de pierre semble veiller, imperturbable, sur la cité qui s’anime à ses pieds.

Paysages romantiques

Epargnés par la Révolution française, la plupart des beffrois a connu un sort plus enviable que les églises et les cathédrales dont un grand nombre a été détruit ou transformé en carrières de pierres. Au 19e siècle, le clocher en ruine devient un motif prisé qui sert de support à la méditation sur le temps qui passe. Située à proximité d’Arras, l’Abbaye du Mont Saint-Éloi a été très endommagée. Xavier Dourlens-Aubron (1826-1888) en fait le support d’une représentation romantique en l’installant au milieu d’une scène pastorale dans laquelle paissent de paisibles vaches. À l’instar des environs de Rome ou de Naples, le Nord de la France présente un caractère pittoresque que Xavier Dourlens-Aubron dépeint avec mélancolie.

Comme le montre le tableau de Dourlens-Aubron, la période romantique amorce une autonomie croissante du paysage qui, de simple décor ou arrière-plan, devient un genre autonome où les artistes projettent une part de leur subjectivité. Cette réévaluation découle d’une sensibilité nouvelle née chez certains artistes britanniques qui, comme William Turner (1775-1851), emploient l’aquarelle pour transcrire les variations de la lumière dans une veine qui annonce la peinture impressionniste. Après avoir vécu trente ans en Grande Bretagne, le calaisien Louis Francia (1772-1839) s’empare de cette technique pour traduire les multiples vibrations des ciels du Nord.

Corot, comme une bruine argentée

La brèche ouverte par les paysagistes anglais s’amplifie tout au long du 19e siècle. Dès les années 1830, les artistes rattachés à l’école de Barbizon commencent à travailler en extérieur. Camille Corot (1796-1875), que l’on peut rattacher dans une certaine mesure à cette tendance, arpente dès le milieu du siècle les paysages du Nord de la France en compagnie du peintre Constant Dutilleux (1807-1865), né à Douai. Après la mort de son ami, Corot continue à dépeindre la lumière argentée et humide des paysages de l’Artois et du Boulonnais.

Retour au pays natal : Henri Matisse et Auguste Herbin

Né au Cateau-Cambrésis, Henri Matisse (1869-1954) subit dans sa jeunesse l’influence de Corot auquel il emprunte la palette nuancée. De retour à Bohain en Vermandois en 1903, après quelques années passées à Paris, l’artiste traverse une période de doute et de difficultés financières. C’est à cette époque qu’il peint plusieurs paysages à la frontière du Nord et de la Picardie en employant une touche et des harmonies chromatiques qui rappellent l’école de Barbizon. Dans L’allée à la rivière, l’accentuation des lignes de la perspective et la stylisation des arbres annoncent, toutefois, une indépendance croissante vis-à-vis des effets atmosphériques au profit d’une organisation à la géométrie accusée. On retrouve des préoccupations formelles similaires chez Auguste Herbin  (1882-1960) dont la Vue générale du Cateau-Cambrésis trahit l’influence du cubisme. L’organisation méticuleuse des toits aux harmonies de gris violacés se présente comme une marqueterie quasi abstraite qui anticipe les recherches de l’artiste vers un art non figuratif au cours des années 20.

Un Nord un peu fou, un peu flou

Le formalisme de Jean Dubuffet (1901-1985) se veut plus jubilatoire. Dans les années 60, l’artiste s’installe au Touquet avec son épouse, Émilie Carlu (1902-1988), originaire de Tubersent, village voisin de Montreuil-sur-Mer. Les paysages de la côte d’Opale lui inspirent des variations picturales semi-abstraites où son pinceau investit la toile avec fougue et rapidité. Sans se rattacher à un élément particulier du paysage, Pas-de-Calais II évoque tout à la fois de petits accidents géologiques et des étendues champêtre vues du ciel.

La dualité abstrait/figuratif trouve un développement tout autre chez Eugène Leroy (1910-2000), grande figure du Nord de la France, qui a fait des vibrations de la lumière dans le paysage l’un de ses motifs de prédilection. Transcendant leurs modèles, ses tableaux se présentent comme des accumulations de couches de peinture denses qui évoquent un magma en fusion ou des champs labourés. Fouillant dans l’épaisseur des pâtes, le regard parvient à dégager des motifs après un temps d’adaptation. Tout le paradoxe du travail de Leroy réside dans ces allers et retours visuels entre la peinture pure et l’image qu’elle enfouie et révèle à la fois.

Photographies

Qu’elle soit minière, sidérurgique ou textile, l’industrie a profondément remodelé le paysage du Nord depuis deux siècles. Des photographes contemporains ont profité de résidence ou de leur passage lors d’exposition pour capter des emblèmes ou des indices de cette puissance industrielle mise à mal par les crises économiques mais toujours debout.

C’est ainsi que Peter Klasen (né en 1935) a choisi d’arpenter les sites industriels du port de Dunkerque (Ascométal, Aluminium Dunkerque, Kernéos, etc.) à l'occasion d'une commande photographique passée par le LAAC en 2008-2009. En une dizaine de photographies, Klasen dresse un portrait du territoire dunkerquois en s’attachant à des fragments d’usines et de machines (tuyaux, cheminées, manivelles, câbles, carrosseries, etc.) qui agissent comme des métaphores de l’activité industrielle. L’aspect tentaculaire des pompes et les rouges sanguins qui apparaissent dans certains clichés dotent les machines d’étranges corps de métal à la vie frénétique. Par leur cadrage, certaines prises de vue de Klasen rappellent les dessins des hauts fourneaux du valenciennois réalisés par Lucien Jonas (1880-1947) au début du 20e siècle, à l’heure de leur pleine activité.

Les photographies de Jurgen Nefzger (né en 1968) renouent, quant à elles, avec recherches atmosphériques et les horizons dégagés des aquarellistes du début du 19e siècle. À l’instar des peintres flamands du 16e siècle, il anime ses paysages de groupes d’individus en délaissant les liesses populaires au profit d’une représentation des loisirs non dénuée de mélancolie.

 

Alexandre Holin pour l'ACMNPDC

(c) Jacques Quecq d'Henripret
Procession de chars sur la Place du Meir à Anvers | Procession de chars sur la Place du Meir à Anvers
La Famille du Grand Gayant de Douai
La Famille du Grand Gayant de Douai | La Famille du Grand Gayant de Douai
Le Beffroi d'Arras
Le Beffroi d'Arras | Le Beffroi d'Arras
L'Abbaye du Mont Saint-Eloi
L'Abbaye du Mont Saint-Eloi | L'Abbaye du Mont Saint-Eloi
Vue de Calais prise du chenal
Vue de Calais prise du chenal | Vue de Calais prise du chenal
Le Vivier à Saint-Nicolas-lez-Arras
Le Vivier à Saint-Nicolas-lez-Arras | Le Vivier à Saint-Nicolas-lez-Arras
Saulaie à Sainte-Catherine, près d'Arras
Saulaie à Sainte-Catherine, près d'Arras | Saulaie à Sainte-Catherine, près d'Arras
Boulogne-sur-Mer, un coin de la ville
Boulogne-sur-Mer, un coin de la ville | Boulogne-sur-Mer, un coin de la ville
Henri Matisse, L’allée à la rivière (1903) - Le Cateau-Cambrésis, Musée départemental Matisse
L’allée à la rivière | L’allée à la rivière
Vue générale du Cateau
Vue générale du Cateau | Vue générale du Cateau
Prière du soir
Prière du soir | Prière du soir
Eugène Leroy, Le Printemps
Le Printemps | Le Printemps
Eugène Leroy, L'Eté
L'Eté | L'Eté
EugèneLeroy, L'Automne
L'Automne | L'Automne
Eugène Leroy, L'Hiver
L'Hiver | L'Hiver
Les hauts-fourneaux
Les hauts-fourneaux | Les hauts-fourneaux
Paysage industriel aux cheminées
Paysage industriel aux cheminées | Paysage industriel aux cheminées
Sans titre
Sans titre | Sans titre
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