De tous temps et en tout lieu, la guerre a eu des conséquences dramatiques sur les populations et les territoires situés à proximité des zones d’affrontement. Les dommages causés sont d’ailleurs souvent les mêmes quelle que soit l’époque : la dévastation des productions agricoles, la destruction des habitations, les pillages et les violences, engendrent la misère, la famine, le développement des maladies, le déplacement des populations fuyant l’assaillant…

À partir de la Première Guerre mondiale, l’arrière désigne le territoire et l’ensemble des habitants qui se trouvent en dehors de la zone dans laquelle se déroulent les opérations militaires. Pourtant, loin du front, la vie quotidienne de la population civile est souvent difficile. Elle subit les réquisitions et le rationnement de l’alimentation. Les femmes participent à l’effort de guerre en remplaçant les hommes dans les exploitations agricoles et dans les usines. Les habitants souffrent des bombardements aériens qui détruisent une partie du territoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des affichettes comme celle conservée au musée Charles VII de Mehun-sur-Yèvre, étaient distribuées aux habitants des villes afin de rappeler à chacun de ne laisser filtrer aucune source lumineuse susceptible d’être repérée par l’aviation ennemie.

Les affiches agricoles de propagande

« Les restrictions demandées aux Français qui vivent à l’arrière ne sont rien en comparaison des sacrifices permanents demandés aux Français qui se battent au front », telle est l’inscription que l’on trouve sur les feuilles de rationnement de pain, au cours de la Première Guerre mondiale. L’effort doit être fait « pour les soldats et pour la France ». Le Ministère de l’Agriculture incite ainsi la population à nourrir le front, et par là à semer des pommes de terres pour la France. Un effort principalement fourni par les piliers du monde rural pendant le conflit, incarnés par une femme et un vieillard représentés à l’arrière-plan.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français lance une série d’emprunts pour inciter les Français à participer à l’effort de reconstruction nationale. La promotion de ces emprunts est assurée par de vastes campagnes de presse, en témoigne l’affiche L’emprunt de la paix, d’Henri Lebasque (1865-1937). Au premier plan, la figure maternelle incarne la famille et le foyer dans un contexte de dépopulation aggravée par la guerre. Penchée sur le nouveau-né, la femme attire le regard, constituant ainsi le centre de gravité de l’affiche. À l’arrière-plan, Lebasque dépeint la sphère de la production incarnée par des silhouettes masculines, ouvrières et paysannes, pierres angulaires de la reconstruction. Alors que l’économie nationale dépend intégralement de l’homme, la femme occupe la fonction traditionnelle de mère de famille, loin du rôle qui était le sien au cours du conflit. Elle est rejetée hors du champ de production. Déjà s’annonce la répression des nouvelles aspirations sociales féminines.

Après la défaite de 1940, le gouvernement de Vichy s’installe au pouvoir : c’est le triomphe de l’agrarisme. L’État français érige la paysannerie en socle d’une nouvelle France, en pivot de la Révolution nationale organisée autour de la devise « Travail, Famille, Patrie ». Philippe Pétain et le gouvernement de Vichy, prompts à affirmer que « la terre, elle, ne ment pas », considèrent l’agriculture comme la vocation naturelle de la France : « la France réelle n’est pas celle des machines ».

L’idéologie au cœur de ce vaste programme de « redressement » de la France est déclinée sur les affiches agricoles, par le biais d’une propagande active. Le « retour à la terre » s’opère par une exaltation de la solidarité, de l’abnégation dans le travail et des valeurs morales qui affectent traditionnellement la paysannerie. Nombre d’affiches marquent cette détermination de relancer l’agriculture familiale ; en témoigne la création, en 1941, de la Mission de Restauration Paysanne, chargée de remettre en état la campagne nourricière dévastée par la guerre.

Jérémy Le Bellego, musée du COMPA, Chartres