Qu’est-ce qu’une allégorie ?

D’après le Larousse, il s’agit de « l’expression d’une idée par une métaphore animée et continuée par un développement ». Sa signification étymologique est : « une autre manière de dire ».

Un portrait allégorique consiste donc à dire autrement le portrait, à lui adjoindre une idée, en somme à lui donner une fonction qui s’ajoute à sa vocation commémorative intrinsèque. L’un des exemples les plus parlants de ce paradigme est sans doute la représentation récurrente du roi Louis XIV sous les traits d’Apollon, dieu romain du soleil.

 Ce goût du symbole et d’une lecture polysémique, hérité du Moyen Age, perdure sous l’Ancien Régime et offre aux artistes une large palette d’interprétations qui en font des spécialistes de la communication avant l’heure. Lorsqu’ils peignent les traits de tel ou tel protagoniste, les artistes se plaisent à établir des correspondances avec des personnages issus de l’histoire, réelle ou mythique, qui font partie de l’imaginaire collectif. En ce sens, le portrait allégorique se rapproche sensiblement de ce que l’on peut appeler la figure mythologique. On entend par là : la représentation d’un personnage issu de la mythologie grecque ou romaine.

Philippe de France, duc d’Anjou en costume à l’antique dit aussi en Bellérophon - Jean NOCRET, huile sur toile, vers 1650, 95 x 138 cm, musée des Beaux-Arts, Château royal de Blois

Le modèle de ce portrait n’est autre que Monsieur, le frère cadet de Louis XIV. Né en 1640, il est ici âgé d’une dizaine d’années, c’est-à-dire qu’il a passé l’âge de porter des habits féminins. Le peintre va même plus loin puisqu’il le représente vêtu en guerrier : il est censé incarner Bellérophon, héros de la mythologie grecque. Celui-ci triompha de la Chimère, un monstre hybride de lion, chèvre et de dragon, à l’aide du cheval ailé Pégase. L’animal figuré sur le cimier du casque tenu par l’enfant permet d’identifier le personnage mythologique auquel il est fait allusion.

Représenter Philippe en Bellérophon, c’est lui prêter les qualités viriles qui lui incombent : bravoure, force physique, ingéniosité. Ces qualités tranchent clairement avec la jeunesse et la beauté délicate, presque « féminine » de Philippe tel qu’il apparaît sur ce tableau. On sait d’ailleurs que sa mère Anne d’Autriche prit soin de l’élever comme une fille afin de prévenir tout conflit entre ses deux fils.

D’autre part, l’association du prince avec ce héros de l’Antiquité le place directement dans une lignée illustre, sans toutefois faire de l’ombre à son frère aîné, hériter du trône. En effet, si Bellérophon est d’ascendance royale (sa mère est fille de roi), il n’en reste pas moins inféodé à Hercule, demi-dieu auquel Louis XIV est parfois assimilé (cf. le portrait de Louis XIV en Hercule sculpté sur la Porte Saint-Martin à Paris, le Salon d’Hercule à Versailles…). Cette identification aux héros antiques témoigne également de la tentation récurrente pour la dynastie des Bourbons de légitimer son pouvoir récemment acquis en se posant comme son héritière (on rappelle que les Bourbons n’accèdent au trône de France qu’en 1589 avec l’avènement d’Henri IV).