Musée Charles VII - Mehun-sur-Yèvre (18)
La collection Joseph Maquaire
La collection,
L’importante collection de dessins et d’estampes, maintenant inventoriée sous la série 912.8, correspond à la donation de Joseph Maquaire, enregistrée dans sa globalité sous le n° 174 du premier registre d’inventaire. Joseph Maquaire était membre de la commission consultative et de surveillance du musée, depuis sa création officielle en date du 22 avril 1906. Cet ensemble de gravures était considéré comme “ayant peu d'intérêt” par les responsables du musée lors de l'établissement du questionnaire-bilan, demandé par l'État en 1939. Les fiches, soumises ici à votre curiosité, démontrent largement le contraire. Encore fallait-il prouver les liens entre l’entrée des œuvres dans les collections du musée et le donateur. Au cœur de cette importante série de documents les plus divers, se trouvent quelques dessins, estampés d’un timbre sec portant la mention d’une très ancienne manufacture de décor sur porcelaine, la fabrique Bender & Compagnie. Cette marque corrobore le lien avec le donateur, puisque celui-ci était l’un des directeurs de la manufacture de porcelaine Charles Pillivuyt et Compagnie, qui sous-traitait certaines productions de formes en blanc, avant d’être redistribuées aux commanditaires décorateurs ; d’où, encore aujourd’hui, la production d’un vase dit Bender. Les marques, taches et autres salissures (térébenthine, gomme arabique) que portent certains dessins montrent également que ce portefeuille a “trainé” au sein des ateliers pour y puiser des inspirations, des motifs et copier certains décors. Ces quelques éléments posés, intéressons-nous à la personnalité de Joseph Maquaire.
Joseph Maquaire,
Rien n’a été facile dans le déroulement des recherches, car il faut savoir que son prénom usuel de Joseph n’est que le troisième prénom d’Eugène Marie Joseph Maquaire, né rue Bourdaloue à Bourges, le 29 juillet 1865 d’un père ajusteur. Déclaré tapissier sur sa fiche matricule, il a acquis également une solide formation auprès des professeurs de l'École des Beaux-arts de Bourges, dont il était boursier. Nous retrouvons sa présence sur la liste lors de la distribution des prix de cette École le 12 août 1885. Il obtient alors diverses récompenses, dont deux premiers prix pour une tête et un ornement dessinés d'après la bosse ; ce qui lui ouvre une bourse d'étude de 200 frs. Le Journal du Cher mentionne d'autres prix en 1885, 1886 et 1887, principalement en sculpture et en dessin. Mais, c’est vraisemblablement au sein de la manufacture Pillivuyt qu'il s'est fait repérer, les portes des productions dites “Spéciales” s'ouvrent à lui. De mémoire de mehunois, c’est lui qui a peint le grand et beau service de porcelaine présenté lors de l’Exposition universelle de 1889. Ce décor, annonçant l’Art-nouveau et imaginé par Habert Dys, un cartonnier et céramiste blésois prénommé Jules Auguste mais souvent appelé Jean à Mehun, a permis à la manufacture de se distinguer et de ramener en Berry l’une de ses nombreuses médailles.
Mais revenons à Joseph Maquaire, dont le tour de main et le style très naturaliste lui donnent une certaine notoriété et lui permettent de devenir rapidement le responsable des ateliers de décors. De la notoriété à la notabilité, il n’y a qu’un pas qu’il franchit en se mariant en 1893 avec Geneviève Dupuis, la fille de Jules Dupuis, l’actionnaire principal de Charles, puis de Louis Pillivuyt. Il semble bien qu'il avait connu sa fiancée sur les bancs de l'École des Beaux-arts, puisqu'elle avait obtenu un premier prix de peinture sur porcelaine la même année que lui, en 1885 (a-t-elle participé au décor du service de l'Exposition universelle de 1889 ?). Avant d’emménager au château de la “Véranda”, construit dans le parc de la manufacture, la famille s’installe dans une maison, rue de la gare à Mehun et, de ce mariage naît, l’année suivante, leur premier fils Jean Maquaire. Les registres d’États civils, qui mentionnent ordinairement les professions, indiquent qu’il était sculpteur lors de son mariage (1893), mais déjà directeur de manufacture à la naissance de son fils (1894). Les liens familiaux semblent étroits, puisque c’est son beau-père, Jules Dupuis qui est l’un des parrains de l’enfant et que, lui-même, le sera pour son neveu, Philibert Denis Dupuis. Les liens sont d'autant plus étroits qu'il sera même le fondé de pouvoir, au nom de son beau-père, auprès de la société Pillivuyt-Dupuis. Il décède, à Bourges, le 21 mai 1949 au terme d’une longue vie de création artistique au service de la “Spéciale” de chez Pillivuyt.
L'oeuvre du monument aux mort,
C'est également lui qui sera le pilote artistique lors de la constitution du comité de création du Monument aux morts de 1914-18. Monument inauguré en 1921 et présenté au Salon des artistes français (Paris) la même année. Le musée conserve quelques éléments en lien avec cette création dont le motif principal (2006.4.52), vraisemblablement extrait de la maquette réalisée à l'échelle 1 dans le jardin de la manufacture. C'est d'après ce modèle, que le sculpteur et modeleur Louis Jouanin réalisa le monument. Cf. les liens ci-dessous.
Il est très probable que tous les artistes employés à la “Spéciale” de la manufacture Pillivuyt aient été assez polyvalents. Nous savons qu’Alphonse Lamarre était aussi bon dessinateur que modeleur (il va d'ailleurs proposer également un projet pour le monument aux morts) et qu’il créait des émaillages par cristallisation et superposition du plus bel effet. De même, pour Eugène Halot, un chimiste qui participa activement au perfectionnement des fours et à la découverte de nouveaux émaux, tout autant qu’à la création artistique… La “Spéciale” était un véritable vivier artistique qui, au-delà de l’enceinte de la manufacture, va porter dans toute l’Europe les savoir-faire mehunois et favoriser localement l’implantation d’artistes comme les ferronniers Larchevêque, Robert et Coqu, des modeleurs et créateurs, à l’image de Louis Jouanin, Edme Renaud et Albert Monganaste.
Notes,
Premières recherches réalisées par Susana Pereira-Tavares (photographies, études, récolement), Solange Rousset (liens généalogiques), Bernard Giboz (monument aux morts) et Philippe Bon (histoire du musée, synthèse).
Ci-dessous : une sélection de planches représentatives de la collection, comportant plus de 150 entrées/oeuvres. Vous pouvez également accéder à la première notice de cette collection en cliquant sur le lien proposé, puis progresser de fiche en fiche.
Parmi les fiches mises en ligne découvrez le plâtre de la croix de guerre, modèle du monument aux morts et à la première des quatre fiches en relation avec le sculpteur Louis Jouanin (2006.4.52).